bandeau art philo
mardi, 02 janvier 2018 17:45

Un purgatoire protestant?

HuberMarie Huber
Un purgatoire protestant?
Essai sur l’état des âmes séparées du corps
Genève, Labor et Fides 2016, 318 p.

Les éditeurs ont choisi leur collection Histoire pour y publier un ouvrage qui nécessitait une longue introduction, qu’a assurée Yves Krumenacker. Il s’agit en effet d’un livre paru en 1731, sans nom d’auteur, mais attribuable une théologienne genevoise peu connue: Marie Huber. Son ouvrage est composé de quatorze lettres, distribuées en deux parties et assorties par moments d’objections et de réponses aux objections, comme il était d’usage à l’époque. Il y est essentiellement question du sort des âmes, du Paradis et de l’Enfer, du bonheur sans fin et des peines éternelles, soit beaucoup de ce que la Réforme calviniste a hérité de saint Augustin.

Le titre de l’ouvrage comprend une question à laquelle je voudrais m’arrêter : Un purgatoire protestant? En bref, la question procède du fait que la théologie protestante répugne à imaginer un espace eschatologique intermédiaire entre la lumière du salut et les ténèbres de la damnation, ainsi qu’un temps de purification nécessaire à l’entrée de l’âme dans la vision éternelle de son Dieu. Or c’est dans la neuvième lettre que surgit la surprise. On y évoque la position catholique d’un «état mitoyen entre la béatitude et la damnation éternelle» appuyée sur le principe que «sans une sainteté parfaite, l’âme ne peut être réunie à Dieu» -d’où la nécessité d’une purification après la mort. Mais si Marie Huber juge que c’est ce qu’il y a «de plus vraisemblable dans le sentiment catholique», elle précise que cela est contredit par la conception commune du Purgatoire compris comme «un paiement que les hommes font à la Justice de Dieu».
Reste à savoir si c’est en raison de ses affinités avec le déisme des Lumières que Marie Huber défend cette position incompatible avec le calvinisme orthodoxe et adopte l’idée -assez peu catholique me semble-t-il- d’une «mesure» de la béatitude selon le degré de perfection.
Un bel exemple d’acribie d’historien et de vigilance théologique.

Lu 1210 fois