Luc Ruedin sj
Georges Haldas - Etty Hillesum
Poètes de l'Essentiel, Passeurs vers l'Absolu
Embrasure/Parole et Silence
Paris 2017, 150 pages.
Un passionné de la vie spirituelle, Luc Ruedin? «Rien là d’étonnant pour un jésuite qui vit de et dans la dynamique libératrice des Exercices spirituels d’Ignace de Loyola», note Yvan Mudry dans la préface du livre Georges Haldas-Etty hillesum. Poète de l’Essentiel, Passeur vers l’Absolu. «Ce qui est plus surprenant, dans un univers catholique où la théologie a disqualifié la mystique, c’est la manière dont le Père Ruedin parle de l’intériorité, mieux, lui laisse la parole. Jamais, chez lui, de il faut ni de longues explications dogmatiques, mais un regard fasciné sur la flamme qui rend certaines vies incandescentes.» Il note encore: «Luc Ruedin est résolument chrétien. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il s’interdise de sortir du périmètre de sa confession. Son goût de la méditation lui a appris à valoriser par exemple la tradition bouddhiste. Son intérêt pour l’expérience de chacun l’a persuadé qu’il n’était pas nécessaire d’être croyant pour avoir une vie intérieure profonde. Rien d’étonnant dès lors si, adepte d’une spiritualité sans frontières, sa route a croisé, il y a longtemps déjà, celle d’une Etty Hillesum et d’un Georges Haldas, les deux grandes figures de ce livre.»
Qu’est-ce qui relie, d’un côté, le poète et écrivain genevois décédé en 2010 et, de l’autre, la juive hollandaise assassinée à Auschwitz à moins de trente ans? L’un et l’autre ont creusé un espace de liberté à la mesure de leur désir infini. Et ce n’est pas sans combat qu’ils ont puisé à la source, à ce lieu plus intime à eux-mêmes qu’eux-mêmes où se dévoile le Tout-Autre. Cette rencontre propre à chacun, ils en ont fait le centre de leur existence, accueillant et apprivoisant le Mystère. L’écriture est le médiateur de leur expérience. Elle révèle à Georges Haldas -par son état de poésie- et à Etty Hillesum -lui permettant de s’expliquer avec elle-même- ce qui se trame au plus profond d’eux. Elle est aussi témoin, donnant au lecteur un matériau pour bâtir sa propre expérience spirituelle», note l'éditeur.«… pour reprendre librement l’Exode, la peau du visage de l’un et de l’autre rayonne, parce qu’ils ont parlé avec Dieu». Pour Yvan Mudry, un point commun entre les deux figures saute aux yeux à la lecture du livre: «… tous deux accordent une très grande importance à la parole […] le vécu doit se dire pour atteindre sa forme plénière.» […] «L’association des deux noms a par ailleurs ce grand mérite: elle montre que s’il y a différentes manières d’aller à l’essentiel, celles-ci sont complémentaires.»
«Sur le chemin d’Haldas, c’est comme si l’histoire était tremplin, le plus petit fragment de vie ouvrant à un au-delà de lui-même.» |
|
«La trajectoire spirituelle d’Hillesum est jalonnée d’événements clés, de rencontres et de drames par lesquels elle accède à elle-même.» |
Dans son introduction, Luc Ruedin sj fait échos aux propos du préfacier. L’auteur se réjouit que face au «mutisme qui guette la société, à cette anesthésie de la vie qui conduit à une aphonie mortifère et qui nous dérobe notre intériorité spirituelle, se lèvent des témoins pour prendre singulièrement la parole. Parmi d’autres, Georges Haldas, scribe de l’essentiel, et Etty Hillesum, spirituelle hors frontières…»
Il souligne: «…si l’homme n’est certes qu’un roseau, le plus faible de la nature, c’est un roseau pensant! Ainsi, est-il celui qui prend conscience de sa propre existence, qui parle, transforme la nature, se projette dans l’avenir, s’inquiète de son destin, s’angoisse devant sa mort. Les anthropologues le disent. À la différence de l’animal, l’homme est radicalement inachevé. Tendu vers un au-delà de lui-même, il est aussi celui qui a conscience de lui-même. […] Georges Haldas et Etty Hillesum, chacun à leur manière, ont cherché à dire ce qui les faisait vivre, à exprimer par le pôle objectif du langage leur quête infinie de sens et de vie. La parole fut pour eux médiatrice de ce désir d’infini qui les mobilisait. Scribe de l’essentiel ou témoin de l’absolu, leur parole porte plus loin que la finitude et la mort. Inscrits dans le sillage de l’Écriture, leurs écrits sont semence de vie. Encore faut-il que leur parole trouve hospitalité chez leur lecteur […] reliant ce qui est lu à ce qui est vécu.»