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mardi, 31 mars 2015 16:36

Essai sur la chair

François Gachoud, Comment penser la résurrection
Essai philosophique, Paris, Cerf 2014, 208 p.

François Gachoud fait œuvre de philosophe autour d’une question qui, finalement, relève de la foi, en convoquant pour l’essentiel le philosophe Michel Henry (1922-2002) pour discuter de deux choses : de la nature du corps vivant et de la visibilité du corps ressuscité. C’est dire qu’il s’appuie sur une « phénoménologie non intentionnelle » (une théorie qui identifie l’être d’une chose et son apparaître), pour dépasser le dualisme platonicien corps-matière/âme-esprit dans une dualité corps/chair. Il confère ainsi à la « chair » la dignité d’un espace de « manifestation » de la vie plénière du Sujet.


Ce préalable philosophique est nécessaire pour progresser vers la question : peut-on penser la résurrection comme une désactualisation de la mort ? La mort, destruction du composé biologique et physique qu’est le corps (objet), laisse hors d’atteinte la « chair » (sujet), « phénomène » ou « manifestation » du Souffle de la Vie indestructible. Sans doute. Mais si cela vaut du Ressuscité, « apparu dans sa chair » après sa mort constatée, peut-on l’étendre à toute la condition humaine ? L’homme est-il appelé, comme le Christ, à « apparaître » après la mort ? Est-ce le même souffle de Vie qui « anime » sans discontinuité la chair du Christ et qui m’arrachera un jour à la mort pour une autre vie et d’autres manifestations ?
Autrement dit : une philosophie de la « chair » s’applique-t-elle également à l’homme, en son unique nature, et au Christ, Homme et Dieu, à la faveur d’une théologie de l’Incarnation ? Il n’y a pas de démonstration possible de la résurrection du Christ. On ne peut que la croire effective et vraie. Mais si l’on veut penser la chose, il ne suffit pas d’une conversion du regard.
Nous sommes invités, dirais-je en m’adressant à François Gachoud, à poser la question de la résurrection non pas seulement à partir de celle de savoir comment cela est en soi possible (à Dieu mais pas à l’homme), mais plutôt à partir d’un étonnement salutaire : que signifie l’exclamation, glorieuse et pathétique, Mort, où est ta victoire ?
Comment fonder l’« espérance que le Christ accomplira un jour en nous ce qu’il a pleinement accompli en lui-même », si nous ne déplaçons pas le problème de l’effet : la résurrection comme réapparition à la Vie, vers celui, décisif, de cette cause de salut qu’est la victoire sur la Mort, ennemie absolue de la Vie ?
Mais comment a-t-il pu y avoir victoire s’il n’y a pas eu combat ? Et n’est-ce pas ce combat entre la Vie et la Mort qui était réservé au Christ selon sa nature divine, mais aussi, dans des conditions afférentes à sa nature humaine, jusque dans sa chair ? N’est-ce pas cette victoire qui a fait de la chair du Ressuscité une chair de gloire ?
La philosophie peut nous aider à imaginer ce que peut signifier l’affirmation de la résurrection de la chair sous la forme du « corps glorieux » établi à l’image de la chaire glorieuse du Christ. Merci à l’auteur de l’avoir suggéré.
Philibert Secretan

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