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lundi, 29 juin 2015 15:50

Des racines et de la sciure

Écrit par

Roueche 45193Michel Rouèche
L’aulne de l’aube au crépuscule. André Gaignat, sabotier, une histoire d’Ajoie
Délémont, D+P SA 2015, 196 p.

J’avais rencontré Michel Rouèche en 1995. Il enseignait alors la critique de l’information aux adolescents genevois et illustrait des articles publiés dans choisir. Qui était abonné à la revue en ce temps-là n’a certainement pas oublié ses délicats dessins à l’encre de Chine, qui alliaient un trait sûr à une sensibilité intelligente et originale.
Au début des années 2000, Michel Rouèche décida de s’adonner à une nouvelle passion, la photo (nous perdîmes du même coup un précieux collaborateur). Un art que, fidèle à sa personnalité, il ne concevait pas pouvoir pratiquer avant de l’avoir étudié. Michel réapparaissait de temps en temps à la rédaction, racontant ses rencontres, épistolaires souvent, avec des photographes qu’il admirait. Puis un jour, ce sont ses propres photos qu’il me dévoila. A l’instar de ses illustrations, elles renvoyaient à une époque où le silence avait sa place, où la beauté du geste importait. Des photos dont les clairs-obscurs n’étaient pas sans évoquer des tableaux de Rembrandt.
Il y a quelques années, le photographe d’origine jurassienne rencontra André Gaignat, le dernier sabotier de Suisse, établi à Cornol, dans le Jura. Ils étaient faits pour se comprendre. L’enseignant quitta un temps ses élèves pour se plonger méticuleusement et avec obstination dans l’histoire de la terre d’Ajoie et du métier de sabotier, à travers celle de la famille de l’artisan. En résulte un livre d’art, édité sur un beau papier par les éditions D+P du Quotidien jurassien, dont le directeur Michel Voisard a soutenu la conception. Michel Rouèche est l’auteur des textes et des photos, par ailleurs légendées par ses soins.
L’ouvrage met à l’honneur le métier de sabotier, en voie de disparition, et cet artisan solide et naturel qu’est André Gaignat. « C’est une chose précieuse que de rencontrer des êtres humains à mille lieues du paraître », écrit l’auteur.
Se plonger dans ce livre, c’est arrêter l’horloge du temps, avec un brin de nostalgie, en contemplant un homme à l’œuvre, qui, à travers son art, perpétue un savoir-faire ancien. Un « Ulysse des temps modernes », un « héros » « confronté à une réalité hostile », mais qui fait merveille grâce à son intelligence, nous dit Michel Rouèche. Une œuvre poétique somme toute, même lorsqu’elle évoque des techniques, des machines et des outils.

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