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jeudi, 03 septembre 2015 16:19

Ecopsychologie

Egger 45181Michel Maxime Egger 
Soigner l’esprit, guérir la Terre. 
Introduction à l’écopsychologie
Genève Labor et Fides 2015, 288 p.

Fondateur de www.trilogies.org et responsable du bureau romand d’Alliance Sud (regroupement de six ONG suisses), l’auteur part du hiatus « entre l’abondance de l’information sur les problèmes écologiques et l’insuffisance des changements de comportement ». « Jusqu’ici les cris d’alarme (...), les appels à l’auto-limitation (...) n’ont pas réussi à inverser la courbe », écrit-il.
Nourrie de l’approche jungienne, de mythologie animale et d’écologie profonde, l’écopsychologie, discipline essentiellement américaine encore peu connue en Europe, fait un lien entre les déséquilibres que nous infligeons à la Terre et nos propres déséquilibres. Elle voit l’origine des dérives de notre civilisation dans sa vision dominatrice, dualiste, scientiste, matérialiste et utilitariste du monde. Le parallèle entre écocide et ethnocide est saisissant : quand on est capable de l’un on est capable de l’autre.
La méthode scientifique qui nous a donné les outils d’une agression massive peut-elle, par la seule lumière de ses constats, inciter l’humain à la modération dans l’usage qu’il fait de la Terre ? On peut en douter, sachant que les retours d’information restent souvent pour chacun « des réalités lointaines et statistiques ». Comment toucher le cœur, l’âme, parler à notre lien au monde, comment ressentir comme nôtres les besoins de la Terre ?
Nous semblons bien « trop séparés de la nature pour être réellement touchés par les maux qui l’affectent », car « la nature est considérée (...) comme un objet extérieur à l’être humain ». Quel lien avec la nature a une génération confinée dans un monde d’écrans, ignorant d’où vient l’eau du robinet, la pomme sur la table de la cuisine ? Qui n’a pas la chance de prendre des coups et des bosses dans la nature ? Et qui « risque de croire (...) que les seules réalités vivantes sont les humains » ?
« La modernité occidentale a désenchanté la nature et vidé la matière de l’esprit », souligne Michel Egger. Il s’agit de réapprendre que « nous sommes comme des cellules dans le corps du vaste organisme vivant qu’est la planète Terre », de retrouver notre capacité à résonner à l’unisson de l’âme du monde, à nous relier à notre propre nature, et donc à la nature et à ses constituants, par notre corps, nos sens, notre âme, notre esprit et aussi notre raison.
Ce sont les ressorts affectifs qui nous déterminent, et tant que nous ne résoudrons par la question de notre coupure avec la nature, nous continuerons à être incapables de la respecter (puis­que nous ne nous respectons pas nous-mêmes). Car, estime l’écopsychologue Théodore Roszak, « l’être humain est naturellement animiste ». Or, « sans intimité avec la nature, [il] devient malade », ajoute un de ses collègues, Robert Greenway.
Soyons donc accoucheurs d’un nouveau chapitre de notre histoire « reposant plus sur les liens que sur les biens ». En cela l’auteur voit un paradoxal espoir, car « le consumérisme (...) manifeste en creux une aspiration fondamentale à la relation ».

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