La vision chrétienne de l’humanité s’oppose frontalement à ce constat. Pour elle, chaque homme est unique, créé par Dieu, à sa ressemblance, et donc à respecter de la naissance à la mort naturelle.
Pour asseoir cette doctrine sur des bases solides, l’auteur part de la Genèse (1-3), puis il parcourt les Evangiles - un exemple, son regard sur le fils prodigue : le fils a obtenu son autonomie et coupé les relations avec son Père, mais ce dernier n’a pas changé d’attitude et lorsque son fils revient, c’est la fête -, citant saint Paul, des encycliques ou des documents conciliaires. Il insiste sur la conception chrétienne de la souffrance, loin de tout dolorisme, sur la Résurrection, sur la fragilité de la vie et particulièrement sur la fragilité et « l’humilité de Dieu » (François Varillon).
L’Eglise a-t-elle voix au chapitre ? L’auteur emprunte au prélat anglican Rowan Williams la distinction entre sécularisation « procédurale », ouvrant au pluralisme et à la collaboration, et sécularisation « programmatique », qui relègue la religion à la sphère privée. C’est contre cette seconde forme qu’il se bat, « telle une voix qui crie dans le désert », persuadé de l’urgence de promouvoir un monde meilleur. L’ouvrage aborde d’autres thèmes importants, comme l’absolutisation de l’autonomie. Aujourd’hui « la volonté absolue d’autodétermination de l’homme prime sur celle, primordiale, de protéger la vie ». Ou encore l’absolutisation du corps parfait et perfectible, ce même corps dont on veut se débarrasser quand il commence à faiblir. Il aborde aussi le mythe de la qualité de la vie, un concept impossible à définir et à mesurer par des statistiques puisqu’il est éminemment personnel.
Ce livre, dense et rigoureux, qui ne prétendant ni convertir ni imposer quoi que ce soit, est à lire par tous les soignants bien sûr, mais aussi par tous ceux et celles qui réfléchissent à l’éthique sociétale. En plus, l’auteur nous ouvre, par plusieurs citations, à l’air vif de la pensée néerlandaise, pratiquement inconnue chez nous.