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mardi, 08 juin 2021 12:08

Du fanatisme

CandiardAdrien Candiard
Du fanatisme
Quand la religion est malade
Paris, Cerf 2020, 89 p.

Ce jeune dominicain vivant au Caire, spécialiste de la théologie musulmane, livre une analyse vivifiante des causes du fanatisme, maladie des religions.

Même si l’auteur prend comme point de départ de sa réflexion l’assassinat tragique d’un épicier musulman de Glasgow (poignardé parce qu’il avait offert des œufs à Pâques aux chrétiens de son quartier) et les écrits d’un maître de l’Islam du XIVe siècle (dont se réclament certains salafistes et autres djihadistes), ce livre n’est pas du tout une diatribe contre la religion musulmane. Bien au contraire, c’est dans notre histoire européenne chrétienne, avec ses atrocités -notamment celle des protestants français massacrés lors de la saint Barthélémy «parce qu’ils n’allaient pas à la messe»- qu’il cherche et trouve les sources du fanatisme.

Prenant au sérieux la définition de Voltaire -«Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère»-, il démontre que le fanatisme n’est pas une maladie psychiatrique, ni un problème sociologique ou politique, mais qu’il provient d’une mauvaise théologie, en Islam comme en chrétienté.

«Dieu, personne ne l’a jamais vu»: cette sentence admise par tous les croyants pousse certains à prendre à leur compte les règles de vie, le comportement, la morale comme des ordres de Dieu, parce qu’ils connaissent, eux, des hommes, ce que Dieu veut. Ils remplissent la terrible absence de Dieu par leurs lois.

Ce fanatisme toutefois n’est pas l’œuvre des seuls théologiens. Comme le racisme, le fanatisme guette chacun de nous. C’est une forme de l’idolâtrie, condamnée si fortement dans l’Ancien Testament. En plus du veau d’or (dont les avatars sont si évidents aujourd’hui), nous pouvons idolâtrer le texte sacré lui-même (fondamentalisme), la liturgie, certains saints et saintes ou encore la religion elle-même pour renforcer notre identité par l’appartenance à une grande famille.

Ce que j’ai aimé le plus dans ce livre, c’est la description de ce que chacun de nous peut faire pour lutter contre le fanatisme : parler, parler de soi en vérité, parler de sa propre foi avec quelqu’un qui en a une différente. Ce dialogue n’est possible que dans l’amitié, comme l’auteur le fait comprendre à demi-mot, lui qui compte de vrais amis dans le monde musulman. Échanger sur le sens de sa vie, sans jugement ni prosélytisme, quel beau programme!

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