Il faut rendre hommage aux concepteurs de cette publication, des universitaires qui ont tenu l’impossible pari d’offrir un travail d’érudition à la fois rigoureusement scientifique et capable d’intéresser un large public. La mise en page soignée, la qualité des nombreuses illustrations assorties de légendes explicatives et la structure même du livre, qui suit l’histoire linéaire de l’abbaye de sa fondation jusqu’à l’époque du concile Vatican II, en facilitent la lecture.
Les différentes étapes de l’histoire mouvementée du monastère ont été confiées à des spécialistes extérieurs à l’abbaye. Plusieurs auteurs, qui travaillaient sur l’abbaye depuis de nombreuses années, ont ainsi pu livrer les conclusions de leurs travaux. D’autres universitaires de Chambéry ou de Lausanne ont apporté leur éclairage, privilégiant l’histoire religieuse, tout en évitant le piège qui consiste à se limiter aux généralités moralisantes en évoquant les périodes de ferveur ou de relâchement de la vie religieuse à l’abbaye. Si l’histoire du martyre de saint Maurice et de ses compagnons et celle de la fondation de l’abbaye étaient déjà relativement connues, d’autres périodes méritaient d’être découvertes, comme le Moyen Âge central et l’Ancien Régime, ou celles qui n’avaient fait l’objet de que de quelques écrits plus ou moins polémiques, tels les affrontements entre conservateurs et radicaux et l’époque contemporaine de 1870 à Vatican II. Tout ce travail a été facilité par l’ouverture et la numérisation des archives du monastère, dont l’histoire n’a été interrompue ni par les guerres ni par les catastrophes naturelles ni par les aléas de la politique ou de la Réforme protestante.
Le premier volume nous emmène à travers le parcours, parfois mouvementé mais toujours passionnant, de l’abbaye et de ses chanoines; le deuxième nous introduit dans les arcanes du trésor, des origines à la fin du XIXe siècle. On y apprend tout, ou presque, sur les donateurs, les pièces précieuses, des plus anciennes aux plus contemporaines comme les émaux du célèbre orfèvre Marcel Feuillat. Une étude minutieuse des textiles qui enveloppaient les reliques des saints ou étaient utilisés pour les parements liturgiques du XVIIIe nous initie à un art peu connu. Nous faisons aussi connaissance avec de célèbres pèlerins, empereurs, rois ou simples dévots, savants ou curieux, venus à Saint-Maurice voir -ou doter et enrichir- le trésor et vénérer les reliques des martyrs.
Les deux volumes réunis dans un beau coffret constituent un monument de poids (4,5 kg), qui non seulement perpétue le souvenir d’un anniversaire peu commun, mais qui offre une bonne synthèse des recherches historiques, archéologiques et artistiques concernant le plus ancien monastère d’Occident, depuis 1500 ans en activité, sans interruption.