Les dessins de Fanny Vaucher, qui semblent peu travaillés de prime abord, s’avèrent parfaitement adaptés au format du roman graphique et en adéquation avec le récit d’Éric Burnand, une figure bien connue des téléspectateurs romands pour avoir notamment présenté le magazine d’actualité Mise au Point dont il est l’un des concepteurs. On peinerait même à imaginer ce récit illustré autrement.
Le livre nous fait vivre un siècle d’histoire suisse à travers le destin d’une famille. Chaque génération est représentée par l’un de ses membres, dont le prénom donne le titre à un chapitre, et chaque chapitre met également en exergue un personnage historique. Le mélange de fiction et de réalité fonctionne très bien. À aucun moment l’ancrage de cette famille fictive dans la réalité historique ne paraît tiré par les cheveux.
On entre dans l’Histoire en 1918, pour en ressortir à la fin des années 80. De la grippe espagnole et la grève générale à l’affaire des fiches, tous les événements majeurs sont passés au crible des commentaires de la famille d’Emma. Chaque génération porte ses combats sociaux et politiques en parallèle à ceux de nos voisins européens.
Au fur et à mesure du récit émerge quelque chose de très familier, de très suisse. Dans cette famille sont réunies toutes les sensibilités politiques, les cultures et langues nationales, les appartenances religieuses, et pourtant la discussion reste ouverte et la compréhension mutuelle possible. À l’image de notre politique parlementaire sans doute?
Enfin, ce qui sous-tend fondamentalement l’ouvrage d’un bout à l’autre, c’est le combat des femmes pour leurs droits politiques, économiques et culturels, illustrés par Emma et ses descendantes. À lire et donner à lire à nos propres descendants!