Il passe son temps seul, entre la maison désertée par cette dernière, proche d’un chantier naval, et sa propre petite chambre imprégnée par l’humidité et donnant sur le rio. Peu à peu, accordant toute son attention aux détails environnants les plus prosaïques, il s’immerge dans le monde (imaginé par lui) de la traductrice et de la ville qui se noie, laissant remonter, à travers les absences, les silences et les non-dits, une part plus cachée de sa personnalité.
Avec ce deuxième roman, le Suisse Bruno Pellegrino signe un récit envoûtant. Les mots, choisis avec un grand soin, pénètrent peu à peu l’esprit du lecteur pour ne plus le lâcher, au rythme des vagues poisseuses de la mer s’écoulant dans les rues et lézardant les murs. Dans une langue à la fois précise et fluide, charnelle et liquide, le romancier évoque le combat -perdu d’avance- contre l’oubli et la finitude à laquelle nos vies et nos œuvres, des plus petites aux plus grandes, sont vouées. Un vernis à ongle se dessèche, l’œuf pourrit dans le frigo, la traductrice finit ses jours dans un asile. Le sol tangue sous les pieds, un paquebot à la dérive défonce un quai, la ville retourne au marécage dont on l’a tirée. Tout n’est que passage, nous dit-il. En attendant, le plaisir éphémère mais bien réel que procure son roman métaphorique est à saisir!
Bruno Pellegrino
Dans la ville provisoire
Genève, Zoé 2021, 128 p.
Décerné par un jury de bibliothécaires et de professionnel-le-s du monde du livre, le prix Bibliomedia Suisse récompense une œuvre de fiction, parue en français, d’une autrice ou d’un auteur de Suisse romande ou d’un autre pays résidant-e en Suisse romande. Il a pour objectif de promouvoir la littérature de fiction romande.