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mercredi, 15 décembre 2021 11:32

Mémoires

TrocméAndré Trocmé
Mémoires
Édition, introduction, épilogue et notes de Patrick Cabanel
Genève, Labor et Fides 2020, 608 p.

La parution des Mémoires du pasteur André Trocmé est un événement. Pacifiste intransigeant, résistant, internationaliste convaincu, il est né à St-Quentin dans l’Aisne en 1901. Durant la Guerre de 1914-18, le nord de la France est occupé par les Allemands et ses Mémoires retracent dans le détail son enfance et la naissance de sa vocation.

Il raconte qu’il doit ses convictions pacifistes à un jeune soldat allemand qui, logé dans sa maison, lui offre du pain et lui dit être un chrétien qui refuse la guerre.

Plus tard, devenu pasteur, il devint militant chrétien social dans des paroisses ouvrières pauvres de la région de Lille. Mais il est surtout connu pour la déclaration qu’il fit avec son collègue Édouard Theis lors du culte du 23 juin 1940, dans sa paroisse du Chambon-sur-Lignon, le lendemain de l’armistice, appelant à résister à l’envahisseur « par les ar-mes de l’Esprit ». Ce fut le début de ce que l’on a appelé la « résistance spirituelle » contre le totalitarisme, mais aussi contre toute violence.

Aidé en particulier par sa femme Magda Trocmé, courageuse et perspicace, le pasteur entreprit, au péril de leur vie, de placer des centaines de juifs et d’enfants juifs dans des familles paysannes réparties sur le plateau du Chambon-sur-Lignon. Au préfet de Vichy, venu recenser les juifs, il refusa de les dénoncer en lui répondant : « Nous ignorons ce qu’est un juif. Nous ne connaissons que des hommes. » Le village-refuge est devenu célèbre, puisqu’il a reçu collectivement le titre de « Juste parmi les nations ».

On doit aussi à Trocmé et à Theis la fondation du Collège cévenol, école dans laquelle, pendant et après la guerre, de grandes figures, dont Paul Ricoeur, ont enseigné. Plus tard le pasteur s’engagea corps et âme dans le mouvement européen de la Réconciliation, aux côtés de Henri Roser et d’autres pacifistes résolus et emprisonnés à plusieurs reprises. Trocmé finit sa carrière dans la paroisse genevoise de St-Gervais, mais ses Mémoires, et c’est dommage, s’arrêtent juste avant cette période, entre 1960 et 1971, année de sa mort.

Ce texte passionnant se lit comme un roman d’aventures (et elles furent nombreuses pour le pasteur et sa famille), car il retrace tout un pan de l’histoire du protestantisme français pendant la première moitié du siècle dernier. Il y a certes quel-ques longueurs et le récit des multiples bisbilles avec certains collègues et de ses démêlés avec les auto-rités ecclésiales aurait pu être écourté… Mais c’est peut-être le pro-pre des fortes personnalités !
Henry Mottu

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