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mercredi, 06 février 2008 01:00

Nouvelle histoire des jésuites

Écrit par

yannou41531jesuitesHervé Yannou, Jésuites et compagnie, Lethielleux, Paris 2008, 400 p.

L’histoire des jésuites n’est pas de tout repos ! Disons-le clairement : tenter de suivre leur périple, des origines à nos jours, a quelque chose d’essoufflant. Que font-ils ? Où sont-ils ? Combien sont-ils ? Les questions affluent. Un livre leur répond : l’essai de Hervé Yannou est une réussite remarquable.

Ecrire une nouvelle histoire de la Compagnie de Jésus, fondée par Ignace de Loyola et ses compagnons en 1540, aurait pu être lassante. L’auteur a choisi une méthode conforme à ce « corps mouvant sans cesse entraîné par la dynamique de l’histoire », comme il l’écrit lui-même. Les lecteurs peuvent ouvrir son récit où ils veulent ; chaque chapitre relate un thème, par exemple les jésuites et le pape, ou une optique spécifique, comme la Compagnie de Jésus et l’Eglise du XXIe siècle. Jamais on ne se perd dans un récit linéaire ennuyeux.

L’information, à quelques petites erreurs près,[1] est rigoureuse. L’historien est visiblement séduit par les innombrables chantiers « jésuites » ouverts au cours des siècles, sur tous les continents et dans presque tous les domaines. La Compagnie a connu par ailleurs tellement d’avanies, de persécutions ou d’expulsions, que ses membres ont presque la réputation de chercher les difficultés, y compris avec la papauté.

Mais comme l’a bien compris Hervé Yannou, cette « milice » à la pointe du progrès et de l’affrontement avec la modernité a connu aussi des années difficiles. Ainsi, après avoir été supprimée de 1773 à 1814, la Compagnie de Jésus rétablie s’est « illustrée » par son manque d’ouverture, voire son hostilité aux idées nouvelles. Durant la Restauration, un jésuite « libéral » était un cas rare ! Et, après le concile de Vatican II, le Père Pedro Arrupe eut de graves difficultés avec un groupe de jésuites espagnols ultraconservateurs qui envisagèrent même de créer une « province de stricte observance ».

Il y eut aussi, dans les années ‘70, une grave hémorragie de la Compagnie, qui perdit des milliers de forces jeunes. Sous la houlette du Père Peter Hans Kolvenbach, qui vient de quitter sa charge après 25 ans de généralat, les jésuites ont recruté surtout en Asie, notamment en Inde, mais aussi en Afrique et en Amérique latine.

Le livre de H. Yannou est arrivé sur le marché au moment où s’ouvrait à Rome la 35e Congrégation générale de la Compagnie, réunissant 225 délégués venus de plus d’une centaine de pays. Cet ouvrage ne pouvait pas devancer l’actualité, mais il en donne une clé de lecture aisée et passionnante.


 
1 - Aux pp. 49-50 : l’auteur veut parler du Père Roothan, mais écrit à plusieurs reprises « Rothman » ; p. 129, le Père Ernesto Cardenal a bien été publiquement morigéné par le pape Jean Paul II lors de sa visite au Nicaragua en 1983, mais il n’est pas jésuite. L’auteur le confond avec le Père Fernando Cardenal, qui fut ministre de l’Education nationale dans un gouvernement sandiniste (pour cette raison il dut même quitter la Compagnie avant d’être réintégré en 1996) ; et l’interdiction qui m’a été faite d’aborder l’Opus Dei dans mes articles à partir de 1981 a duré 20 ans et non pas 10, comme écrit aux pp. 49-50.
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