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mercredi, 25 mai 2022 11:31

Kings Elliot, répertoire rédempteur

Kings Elliot, "Call Me A Dreamer" 2021 © Karolina WielochaSon premier EP Chaos In My Court a vite capté les cœurs en millions d’écoutes. Cinq ballades pop qui sondent ses états affectifs, un univers à fleur de peau qui conte ses expériences de la maladie mentale. Aujourd’hui, l’autrice-compositrice-interprète suisse installée à Londres fait partie des nommés aux Swiss Music Awards 2022 dans la catégorie SRF 3 Best Talent et va bientôt s’envoler outre-Atlantique pour une tournée dans les plus grands stades et salles d’Amérique du Nord. Lumière sur Kings Elliot!

Transformer la douleur, les traumatismes et les démons intérieurs en expression artistique, c’est le moteur et le refuge de cette Suissesse de naissance et Londonienne de cœur. Kings Elliot, née Anja Gmür d’un père suisse et d’une mère anglaise, est atteinte du trouble de la personnalité borderline (TPB), qui repose sur les symptômes de l’hypersensibilité, de la peur du rejet et de l’abandon ou encore du comportement autodestructeur et impulsif. Son premier album Chaos In My Court, comprenant cinq titres, est un monde qu'elle a toujours rêvé de créer pour lui permettre de s’évader. Ses ballades pop mélancoliques et nostalgiques évoquent ainsi ses luttes internes, agissant à la fois comme un porte-voix d’une profonde angoisse générationnelle, un exutoire libérateur et un réconfort certain pour un auditoire qui en a besoin.

Graver les tourments

Cette native d’Altendorf dans le canton de Schwytz en Suisse centrale a grandi sur les rives orientales du lac de Zurich, avant de s’installer à Londres pour bâtir sa carrière. Fan de Lorde et de Lana Del Rey, Kings Elliot a cet esprit créatif en liberté. Elle enchaîne les petits boulots, travaillant notamment à temps partiel dans une animalerie, une autre de ses passions, qui aboutissent à ce premier EP (extended play, soit un album de taille moyenne). Chaos In My Court, sorti dans les bacs en décembre 2021, est le fruit de ce qu’elle est, explorant la complexité de la maladie mentale à travers ses expériences personnelles. Son écriture sonde ainsi ses états d’âme et relate ses démons intérieurs, ses angoisses et ses combats pour mieux vivre avec. «Le chaos a toujours fait partie de ma vie (…)», explique-t-elle. «Les chansons forment un monde que j'ai toujours rêvé de créer pour m’évader, et maintenant, ceux qui ont en besoin peuvent aussi me rejoindre là-bas.»

Pas étonnant que ses morceaux touchent un public de plus en plus grandissant, y compris la star hollywoodienne Reese Witherspoon. Ses chansons se fondent sur des instrumentations douces au piano et à la guitare, mettant l’accent sur le chant, avec cette gamme vocale qui rappelle celle de Billie Eilish. Ses paysages sonores, accompagnés parfois de chœurs, s'inspirent des mélodies nostalgiques et mélancoliques des années 1940-50 pour leur «ambiance magique, belle et étrange», et de l’esthétique des premiers dessins animés de Walt Disney que lui montrait sa mère lorsqu’elle était enfant. Si pour elle la musique est à la fois un désir et un besoin, la sienne n’est pas «le genre sur lequel on danse, mais plutôt sur lequel on pleure». C’est toute cette dualité qui transparaît dans l’œuvre de cette artiste émergente de 29 ans aux cheveux bleus.

Montagnes russes

La vidéo de I'm Getting Fated Of Me n’a pas manqué de toucher cette jeunesse en mal de vivre. Une séquence directe, filmée alors qu’elle était en pleine crise de panique lors de l’enregistrement et qu’elle a décidé de garder. Call Me a Dreamer démarre comme un morceau simple et minimaliste, accompagné de guitare, et explore la douleur de l’abandon en relatant l’histoire d’un amour perdu. Cette chanson a été écrite pendant qu’elle se débattait avec son instabilité émotionnelle, ces fameuses montagnes russes qu’elle ne parvient pas à quitter. Dancing Alone évoque la difficulté de vivre une relation en étant borderline. Ce morceau guide ainsi l’autre à chaque étape de cette danse métaphorique qu'il doit apprendre, pour traverser les jours les plus sombres avec elle. Pour Bitter Tonic, Kings Elliot dit s’être vu lutter dans l’eau, «à la merci d’un océan glacial», comme un moyen de démontrer physiquement la sensation d'être submergée par les émotions. Quant à The Outsider, il se veut un «anti-hymne» pour tous ceux qui n’arrivent pas à s’intégrer dans ce monde qui semble se dérouler devant eux.

Swiss Music Awards 2022 © Pit BuehlerSes ballades confessionnelles donnent ainsi un aperçu des facettes de l'art créatif et ses bienfaits thérapeutiques. Et le résultat est à l’honneur. Elle a signé un contrat avec Universal Music via ses différents labels, comme Verve aux États-Unis, Vertigo en Allemagne, Decca au Royaume-Uni. Le 25 mai 2022, elle est montée sur la scène de la 15e édition des Swiss Music Awards au Bossard Arena à Zough où elle était nommée dans la catégorie Best Talent de la SRF 3, radio diffusée en Suisse alémanique qui rend hommage aux artistes prometteurs. Et d’août à septembre, elle sera en tournée avec le groupe Imagine Dragons et le rappeur Macklemore dans les plus grands stades et salles d’Amérique du Nord, de Salt Lake City à Los Angeles. Quant à son deuxième EP, Kings Elliot l’imagine dans la même veine. Elle veut continuer de jouer un rôle actif dans la déstigmatisation de la maladie mentale, en créant un monde qui montre que le beau existe aussi dans la tristesse.

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