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mercredi, 29 octobre 2014 01:00

Les demeurées, de Jeanne Benameur

Les demeurees 2Au Théâtre Le Poche, à Genève, du 16 octobre au 2 novembre 2014. Mise en scène Didier Carrier

Sur un court texte d'une romancière qui perce - Jeanne Benameur - deux comédiennes et une percussionniste, Laurence Vielle, Maria Pérez et Béatrice Graf, ont créé un petit bijou de spectacle autour des mots, témoins d'une histoire sociale.

Il y a la mère, la Varienne, une « demeurée », analphabète, et sa fille, happée par l'école obligatoire (qui libère par l'instruction ou qui remet dans le rang, comme on préfère), dans un petit village où tout se sait.

Les mots, dits et joués avec passion sur scène, s'engouffrent par les yeux - le tableau noir - et ressortent par la bouche de la fillette, Luce, rétive malgré elle, car la distance affective avec sa mère ignorante est trop douloureuse. Les oreilles, c'est la part de la percussionniste, qui fait feu de tout bois, ou plutôt de toute casserole, dans cet univers qu'on imagine fruste, seulement évoqué par de vieux cartables, des ustensiles de cuisine, des bassines en fer blanc, du papier froissé, une corde à linge, des napperons brodés.
Luce, un prénom presque chanté, « un cri d'oiseau dans le matin », se réfugie dans les bois. Ça sera une perte pour personne, pense sa mère. « Elle fera une servante. »
Cela devait être ainsi dans les campagnes, au début de l'école obligatoire. Et sans doute aujourd'hui encore, ailleurs, très loin... et pas si loin, en somme, avec l'ailleurs transplanté ici. On pense à une autre écrivain, Noëlle Revaz, qui a aussi décrit avec force l'ignorance des êtres, proches des bêtes.
Bref. Il y a une histoire qui touche : le difficile parcours pour échapper à ce qui ressemble à une malédiction quand on vient de si bas. Mais la fillette sera sauvée par sa découverte du fil - et là, on pense évidemment au fil d'Ariane, aux fileuses, aux mailles de Pénélope, à tout ce qui a fait le destin, humble ou mythologique, de générations de femmes. Des pelotes de coton à broder données par une villageoise un peu plus riche, qui emploie La Varienne à laver son linge, ouvriront à nouveau l'espace des mots à la fillette. Mots qui lui reviennent, qu'elle brode avec amour sur des napperons, pour les apporter à son ancienne maîtresse, malade. Mademoiselle Solange.
On n'est pas dans Zola, car le récit est poétique. Et peut-être que la poésie a parfois besoin d'ignorance, pour s'envoler...

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