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mardi, 28 octobre 2014 12:08

Rojava et la question kurde

agence www.zeernews.com

En novembre 2013, les enclaves kurdes syriennes de Kobane, Afrin et Djézireh ont constitué la Région autonome de Rojava, dans le Kurdistan syrien, sous la férule du Parti de l'Union démocratique (PYD). A partir de là, la branche armée du parti, le YPG, s'est imposée comme la force militaire des Kurdes de Syrie dans presque toutes les zones peuplées par des Kurdes (provinces de Alep, Hassaké et Raqqa).

Malgré les incessantes attaques de l'EI, Rojava semble résister et continue à représenter l'espoir de millions de Kurdes de voir concrétiser le projet politique de Abdullah Oçalan, fondateur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) : autonomie démocratique, administration locale.

Pour les Kurdes de la région, le Parlement turc aurait accepté d'accorder un support logistique et humanitaire à la coalition guidée par les Etats-Unis, le 2 octobre dernier, uniquement pour se protéger de Rojava. La motion, en effet, prévoit la création d'une zone tampon en Syrie, dans laquelle la Turquie peut déployer son armée et où elle envisage de déplacer les réfugiés syriens actuellement sur son territoire. Pour le PYD et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), cette décision est une manœuvre démographique : un million d'arabes pour séparer géographiquement les Kurdes et, surtout, les deux partis. « Le territoire de Rojava s'étend sur toute la frontière sud de la Turquie », explique Faruk Tatli, un responsable de la municipalité de Suruç et partisan de Rojava. « Si la Turquie veut cette maudite zone tampon, c'est bien à cause des victoires de Rojava ! »

Pour Kamal Oskan, un journaliste kurde syrien réfugié en Turquie, « il est clair qu'Ankara ne veut pas d'une force kurde unie et solide sur sa frontière ». Le président turc Erdogan a formellement reconnu le gouvernement régional du Kurdistan irakien (KRG) ainsi que son président Massoud Barzani, avec lequel il entretient des échanges commerciaux florissants. « Mais il n'en est pas de même pour le PYD ni pour la région de Rojava, et cela principalement pour deux raisons : l'affiliation entre le PYD et le PKK, et le pacte de non-belligérance conclu entre le PYD et le président syrien Assad. »

Interrogée sur la question, Mehmet Gurses, professeur de Sciences politiques à la Florida Atlantic University (USA), souligne que la situation de Kobane est révélatrice de la stratégie turque : « Ankara attend, patiemment, que le YPG soit tellement affaibli par les attaques de l'EI, qu'il se voit contraint de recourir à l'aide militaire turque. Le Parti de l'Union démocratique perdrait ainsi significativement son pouvoir de négociation et devrait même, peut-être, intégrer la coalition anti-Assad sous pression de la Turquie. » Ce objectif serait cependant peu réaliste selon le professeur. Ankara ne pourra pas convaincre le PYD d'intégrer la coalition anti-Assad, sans poser les conditions nécessaires pour un accord de paix durable avec le PKK. « Le conflit kurde est un conflit transnational. Depuis que l'EI a assiégé la ville de Kobane, la frontière qui sépare la Suruç turque et la Kobane syrienne a tout simplement cessé d'exister pour les Kurdes. La Turquie, au bout du compte, sera obligée de sceller une alliance avec le PYD, de reconnaître la légitimité de ce parti, et donc l'existence d'une réalité kurde. »

G. B. et C. Sp.

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