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lundi, 03 mars 2014 09:58

Familles, oser la confiance

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Outre sa fonction affective, la famille est une école de valorisation durable de la personne. « L'histoire d'un homme, écrivait Emmanuel Mounier (1905-1950), c'est l'histoire de son sentiment d'infériorité et de ses recherches pour le résoudre. » Par extension, le philosophe rappelle que « telle est peut-être aussi l'histoire des civilisations » et des familles. Comme dans toutes collectivités, certaines blessures, physiques ou morales, inhibent à tel point la famille que les ruptures deviennent inévitables. Peut-on alors se contenter de constats navrants ? Mounier ajoute, à partir de la notion d'affectivité, qu'il ne s'agit pas essentiellement dans un ménage d'être « heureux » ensemble, mais de trouver la voie pour être « plus ensemble ».

La question est vaste... Au lieu d'entreprendre le problème à partir d'un grand texte bourré de principes intangibles ou de prévoir un Synode romain au langage incompréhensible à la majorité des fidèles, le pape François a lancé une consultation internationale sur la pastorale de l'Eglise catholique sur le mariage, la famille et la vie en couple. Une méthode crédible pour surmonter l'obstacle d'un dialogue de sourds. Heureuse initiative romaine ! Elle nous délivre du souvenir pénible de l'énorme tapage provoqué par l'encyclique Humanae Vitae, signée par le pape Paul VI et rendue publique le 25 juillet 1968... quelques semaines après un mois de mai resté dans la mémoire de l'Histoire. Ce texte plaidait pour un mariage qui soit « un amour total... un amour fidèle et exclusif jusqu'à la mort ». Des termes irréfutables mais qui ont beaucoup déçu parce qu'ils étaient associés à une condamnation sans appel des méthodes « artificielles » de régulation des naissances. Humanae Vitae provoqua un vaste exil de catholiques déçus par une Eglise qui n'écoutait pas leurs vies, leurs défis, leur espérance.

La pratique mise en place aujourd'hui est très différente d'esprit. Elle doit d'abord permettre aux couples, aux groupes, aux personnes seules également, de s'expliquer sur leur histoire et leurs attentes. L'enquête, ensuite, pourra nourrir les travaux de l'Assemblée générale extraordinaire du Synode sur la famille prévu cet automne. Une méthode qui devrait déboucher sur une meilleure connaissance des conditions sociales et culturelles des formes de mariage, non seulement dans les cultures modernes, mais également, par exemple, au sein des traditions ethniques africaines. Ce qui change donc dans cette méthode, ce n'est point la position fondamentale de l'Eglise, mais son attention beaucoup plus profonde portée au vécu de tous les peuples.

Car la gestion du mariage met à l'épreuve le clergé. Comment reçoit-il les demandes d'unions qui n'obéissent pas « strictement » à ses lois, à ses convictions ? Les Eglises doivent retourner aux origines du christianisme, aux exigences de Jésus ou de Paul. Le Christ, que l'on sache, n'a jamais rejeté quelqu'un au nom d'une loi qui écraserait l'espérance humaine. A défaut d'aboutir à l'acceptation de lois plus souples, notamment la reconnaissance de l'union de divorcés-remariés, les questionnaires envoyés laisseront de toute évidence des traces. Mgr Charles Morerod, évêque du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, soulignait le 4 février dernier, lors de la Conférence des évêques suisses, la nécessité d'humanité qui doit accompagner la rigueur des lois ecclésiales. Il donnait l'exemple typique d'une mère de famille qui, confrontée à la violence de son mari, n'a pas d'autres solutions que de le quitter et de chercher son avenir dans une nouvelle union. Le cas est loin d'être rare.

On se gardera de penser que l'Eglise romaine renonce au principe de l'insolubilité du mariage. De même, personne ne devrait exiger qu'elle accorde le sacrement du mariage à des couples homosexuels, au risque de la diviser en­core plus qu'elle ne l'est déjà. Ce faisant, l'Eglise ne commet pas un ostracisme injuste, mais se comporte avec la prudence que requièrent son histoire, son enseignement, la tradition issue de Jésus lui-même et les sentiments désemparés de ses fidèles de par le monde.

Le pape François disait aux jeunes à Copacabana : « Jésus nous demande que son Eglise soit assez vaste pour pouvoir accueillir toute l'humanité... » Sa mission est d'« éclairer, bénir, vivifier, soulager, guérir, libérer ». Beau programme. Je prends. Et vous ?

 

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