Le changement climatique occupe une place prépondérante dans la recherche scientifique, tant en sciences naturelles que sociales. Pourtant les études sur le climat ne sont pas forcément accessibles aux décideurs, car trop complexes, adressées à un public cible ou publiées au mauvais moment. Professeur à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation (FPSE) de Genève, Tobias Brosch a synthétisé la littérature scientifique publiée sur la question, dans le cadre du Geneva Science-Policy Interface (GSPI). Celle-ci met en place des policy briefs pour synthétiser la littérature scientifique publiée sur un domaine particulier, la vulgariser et la transmettre aux bonnes personnes au bon moment.
Encore trop abstrait
En se basant sur plus de 400 études de psychologie, neurosciences, sciences affectives ou encore d’économie comportementale, Tobias Brosch fait ressortir cinq catégories de barrières qui empêchent l’individu de modifier son comportement en vue de contrer le changement climatique. Pour chacune d’entre elles, le chercheur genevois émet ensuite des recommandations pour les faire tomber.
«La première catégorie concerne les barrières perceptuelles, explique Tobias Brosch. Notre cerveau peine à percevoir le phénomène du changement climatique, car celui-ci est abstrait: on ne peut ni le voir, ni le sentir ni le toucher directement.» Pour faire tomber cette première barrière, le chercheur genevois indique qu’il faut mettre en avant l’impact direct que le changement climatique peut avoir sur l’individu, en le traduisant en expériences concrètes. «Il s’agit de rendre ce phénomène local et immédiat, d’exposer ses conséquences. Nous sommes notamment en train de finaliser une simulation en réalité virtuelle qui permet de ressentir l’impact du changement climatique sur Genève.»
Un besoin de récompenses
La deuxième barrière touche aux intérêts propres et aux bénéfices personnels immédiats. «Certaines personnes ne voient pas en quoi changer leur comportement leur est bénéfique. Il s’agit donc de mettre en avant divers avantages qui découlent directement de ce changement de comportement: le vélo est bon pour la santé, le partage augmente son réseau social, une voiture électrique témoigne d’un statut économique et social. Remettre des prix qui récompensent un comportement est aussi un bon moyen d’influencer les habitudes», illustre Tobias Brosch.
Un manque de références morales
Les barrières morales constituent la troisième catégorie. À l’heure actuelle, agir pour le climat ne fait pas encore partie des devoirs pour être une bonne personne. Mais comment lier changement climatique et morale? «Cela peut passer par la religion, avec par exemple les déclarations du pape François qui fait de la protection de la planète un devoir religieux», explique Tobias Brosch. Il faut aussi adapter la communication aux diverses sensibilités politiques, les personnes de gauche étant généralement plus sensibles à la cause du climat que les conservateurs.
La quatrième catégorie concerne les barrières sociales: pourquoi devrais-je changer mon comportement si mon voisin voyage toute l’année en avion? Si l’on constate que les autres ne font rien pour protéger le climat, il est difficile de consentir soi-même à des sacrifices. «Il faut alors communiquer un maximum sur le fait que de nombreuses personnes agissent pour le climat, et que cette mobilisation augmente sans cesse, précise le chercheur genevois. Pour cela, les dernières manifestations et l’effet Greta sont un bon moteur.» (communiqué de presse UNIGE/réd.)