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jeudi, 30 mars 2017 11:02

Ne pas avoir honte demain

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La dignité piétinée de Gringo Cardic (©MICR)La vie est dans le mouvement, disait le Philosophe. Et celle des peuples, dans la marche! Simplement pour vivre? Pour survivre! Si quelques-uns se sont mis en route en quête d’un climat social et économique plus favorable, ou pour mettre leur argent à l’abri, d’autres sont partis pour échapper à des contraintes politiques, aux persécutions, à la famine, à la guerre, à la torture. Laissant derrière eux une patrie, un environnement social, une maison, les tombes de leurs ancêtres et l’album de leurs souvenirs, ils ont fui vers un inconnu à peine choisi.

Itinérance forcée, déracinement, incertitude, avec, à la clef, une intégration plus ou moins réussie, qui bouleverse les valeurs fondatrices d’une existence d’homme.

Quitter, laisser derrière soi un passé d’oppression, une dignité bafouée, accepter que la vie soit plus avant, dans une terre promise qui s’éloigne à mesure qu’on en approche. Triste destin! Pour la foi judéo-chrétienne, l’histoire du Salut s’inscrit dans un flux migratoire. Les mythes bibliques retracent des exodes toujours recommencés: Abraham, Moïse, le peuple hébreux, jusqu’au Christ fuyant en Égypte! Autant de déplacements vers un salut espéré. Et l’aile protectrice de Dieu tout au long du chemin, parfois présente, souvent cachée. Le christianisme n’a-t-il pas été appelé «la Voie»? Un chemin, une marche laborieuse vers un ailleurs qui n’est que la promesse d’une liberté et d’une dignité retrouvées. S’opposer à la migration constitue une agression contre les valeurs chrétiennes.

Il y a ceux qui se déplacent, et ceux qui craignent de les voir arriver. Parce qu’«il n’y en a point comme nous!», ils ont peur de perdre leurs repères et de devoir partager leurs ressources. Mais la peur est mauvaise conseillère; elle enferme, construit des murs, baisse les barrières, dresse la liste des exclus renvoyés au sordide commerce des passeurs. Si la confrontation des cultures et la rencontre des peuples peuvent être fécondes et stimulantes, une nation isolée derrière ses remparts se condamne à la stérilité: un lent suicide par étouffement.

Qu’on le veuille ou non, le grand mouvement migratoire contemporain redessine la carte géopolitique du monde. La notion de patrie, l’étroitesse nationaliste, le rôle d’une frontière, l’appartenance à une culture, l’intolérance religieuse sont à revoir. Vaste chantier! Une constante demeure: l’accueil de l’étranger fait partie intégrale de l’enseignement du Christ. Il est un des critères auquel sera évalué le poids d’une vie devant Dieu et devant l’Histoire: «J’étais un étranger et vous m’avez recueilli» (Mt 25,35). La récente 36e Congrégation générale de la Compagnie de Jésus a rappelé aux jésuites que, face aux attitudes hostiles aux personnes déplacées, notre foi nous invite à promouvoir partout une culture d’hospitalité plus généreuse. Quant aux murs que vous aurez édifiés pour tenir les autres à distance, ils seront votre honte devant les générations à venir!

Découvrez le sommaire de notre numéro d'avril-mai-juin 2017.

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