Ainsi, poussée irrésistiblement vers des cieux nouveaux et une terre nouvelle, incapable d’attendre, la révolution violente trop souvent l’Histoire, comme qui tirerait sur les plantes pour accélérer la venue du printemps. Empressée de façonner la réalité à l’image de son désir ou de ses fantasmes, elle compte sur la mort pour accélérer la ronde des saisons. Au nom de la société sans classes, de la supériorité de la race, du Grand Bond, du Grand Soir et d’autres rêves prometteurs, les têtes roulent, les crématoires fument, les goulags triment, les prisons débordent. Et le nombre des cadavres décourage toute tentative de décompte.
Si toute violence est détestable, toute mort, quand bien même douloureuse, ne l’est pas nécessairement. Il faut bien que quelque chose meure pour qu’autre chose puisse naître. Qui aspire à avancer doit accepter la loi de la croissance avec ses deuils et abandonner résolument les vieilles structures, ces outres désormais impropres à contenir le vin nouveau. En un mot, il s’agit de faire révolution!
La mort et la révolution réconciliées! Par sa mort, le Christ a opéré la révolution la plus radicale qui soit. En introduisant au cœur même de la mort la présence victorieuse de l’amour, il a brisé les anciens jougs imposés par d’inquiétantes divinités. Du nouveau est né: l’homme a été rétabli dans sa dignité et sa liberté. Celui qui est blessé est désormais placé au centre, là où d’autres l’avaient écarté au nom de la loi (Mc 3,1-6). Celui qui vivait dans la crainte du ciel est libéré. Le sabbat et les rites en tous genres qui le contraignaient, les structures religieuses et les institutions civiles sclérosées sont relativisées au nom de la Vie.
«Voici que je vais faire du neuf qui déjà bourgeonne; ne le reconnaîtrez-vous pas?» clamait le prophète (Is 43,19). Reprenant à son compte cette Bonne Nouvelle, le Christ annonce que le moment est venu, que le temps est accompli et qu’il faut oser: convertissez-vous, changez de mentalité, faites la révolution, et vous verrez du nouveau.