Maître du récit bref Saki révèle à travers les quelques cent nouvelles ici rassemblées les mœurs de la société edwardienne. L’humour aimable et retenu y dissimule des trésors de cruauté et amène à des chutes inattendues. Un monument qui s’inscrit dans la lignée des Swift, Thakeray, Dickens, Peacock, Jérôme K. Jérôme ou Evelyn Waugh.
Saki
Le Parlement infernal
Nouvelles intégrales
Paris, Noir sur Blanc 2022, 848 p.
Deux déesses ici sont honorées, deux religions sont pratiquées: l’amitié et la littérature. Pour relier les deux: la lettre. Un autre art: l’art épistolaire. On s’écrit d’abord les uns aux autres, on veut être lu par ses pairs, jugé, critiqué. On se querelle parfois, signe que le dieu qu’on sert est vivant, mais on écrit toujours pour un petit nombre. Le grand nombre n’existe que pour les éditeurs et les journalistes, quand la littérature entre dans le cycle commercial. Car on n’est vrai qu’entre gens de même métier. Le livre de Philippe Berthier, Amitiés d’écrivains, s’adresse au premier chef à ceux qui ont dilaté leurs pupilles et voûté leurs épaules sur des feuilles de papier couvertes de mots, non pour de l’argent ni pour la gloire, mais parce que les mots leur ouvraient les portes de ce qui dans ce monde se rapproche le plus du royaume des cieux.
Auteur d’une quarantaine de livres, écrivain, journaliste et éditeur suisse, Roland Jaccard s’est donné la mort le 20 septembre 2021 à l’âge de 79 ans. Son dernier livre, On ne se remet jamais d’une enfance heureuse, venait d’être édité aux éditions de l’Aire, à Vevey. Notre chroniqueur littéraire Gérard Joulié propose ces quelques vers pour honorer sa mémoire.
ll faut un temps fou pour faire des vers bons ou mauvais. Parfois il y faut une vie entière. Et combien ont fini dans le fond d’une corbeille, jetés d’une main rageuse aux doigts noircis d’encre. Il faut aussi du temps pour les lire. On peut demeurer une journée sur deux ou trois vers, car les vers d’un poème sont faits pour dire et célébrer une sorte d’absolu.
Le Grand Meaulnes, ce livre qui enchanta les jeunes années de générations de lecteurs, est sorti en Pléiade avec une préface et un appareil critique de Philippe Berthier le stendhalien qui est, peut-être à l’heure qu’il est, l’œil le plus aiguisé ouvert sur ces grandes affaires de l’âme et des lettres qui au fond n’ont jamais remué que quelques happy few. Mais comme dit l’Évangile, il sera donné à ceux qui ont et ôté à ceux qui n’ont pas même ce qu’ils croient avoir.
Alain Fournier
Le Grand Meaulnes
suivi de Choix de lettres, de documents et d’esquisses
édition établie par Philippe Berthier
Paris, Pléiade n° 646, Gallimard 2020, 640 p.