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lundi, 06 décembre 2010 07:00

Séparation du monde et de Dieu

Bourg-Roch 42577Dominique Bourg, Philippe Roch (Ed.), Crise écologique, crise des valeurs ? Défis pour l'anthropologie et la spiritualité, Labor & Fides, Genève 2010, 334 p.

Ouvrage riche et dense, contenant vingt-deux contributions issues d'un colloque qui a eu lieu à l'Université de Lausanne, les 5 et 6 juin 2009, sur le thème Environnement et spiritualité. L'un des enjeux majeurs en est le rôle du christianisme dans la séparation du monde et de Dieu.

Pour d'aucuns, dans le sillage d'une communication scientifique de Lynn White, un médiéviste américain de renom, datant d'il y a près de quarante-cinq ans, le christianisme correspond à l'étape de désacralisation de la nature, et donc à la séparation émotionnelle et cognitive croissante entre l'homme et la nature. Cette dernière devient ainsi privée de toute sacralité vécue ou même rituelle et, dans le meilleur des cas, est perçue comme confiée à nos bons soins, pour notre propre usage.

Pour d'autres, cette vision du christianisme résulte d'une lecture incomplète, au service d'une interprétation réductrice et abusive. Les Ecritures permettent au contraire de postuler le caractère spirituel de la création, puisque créée par le Créateur : point de séparation ontologique entre le Créateur et sa création. Et nous avons la responsabilité d'en user avec respect.

Force est de constater tout de même que l'apparition du christianisme et des autres monothéismes a concentré le spirituel sur un Dieu unique et la sacralité sur ce seul Dieu. Le christianisme a bien compris les choses ainsi, et tant les mystiques qui ont éprouvé l'unité du monde que les personnalités qui ont affirmé trop fort leur lien vivant avec la nature ont eu tôt fait de franchir les marges du toléré. Saint François d'Assise en fit jadis l'expérience et, plus près de nous, Teilhard de Chardin, constamment soupçonné de dérive « panthéiste ».

Reste à savoir si le fait d'avoir désacralisé la nature est bien une des causes de notre agressivité et de notre incompréhension à son égard. Nous laisserons la question ouverte mais conclurons avec Jacques Grinevald que notre temps exige une nouvelle approche : « Avec la crise écologique planétaire qui s'annonce, l'idée biblique selon laquelle l'Homme, créé à l'image de Dieu, le Créateur tout puissant de l'Univers, ne serait pas de même nature que la nature terrestre rencontre un flagrant démenti scientifique » (p. 60)[1].

Dès lors, le grand apport au débat de chrétiens tels Jean Bastaire - qui soutiennent la compatibilité avec le christianisme d'une nature reflet du Créateur et de sa nature spirituelle - est d'exiger « en tant que chrétiens » le respect de la création et de permettre aux croyants de vivre une relation non dualiste à la nature.

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