Le Père Dall’Oglio, fondateur de la communauté monastique de Mar Moussa, en Syrie, a disparu le 28 juillet 2013 (voir la p. 4 de ce numéro). Amoureux de l’islam, croyant en Jésus, selon le titre de son précédent livre, il revient dans celui-ci - rédigé à Sulemanieh, dans la région autonome du Kurdistan irakien - sur son parcours intellectuel et spirituel, marqué très tôt par le choix de servir la rencontre islamo-chrétienne.
Découvrant et reconstruisant l’antique monastère de Moïse l’Abyssin, Dall’Oglio a donné forme à son choix de vie à Mar Moussa. En trente ans il en a fait progressivement, avec quelques hommes et femmes qui l’ont rejoint, un lieu de vie monastique rattaché à l’Eglise syrienne-catholique. Un lieu de rencontre et d’approfondissement humain et spirituel pour des jeunes venus de Syrie, de pays avoisinants ou même d’Occident.
Le Père jésuite revient aussi dans ces pages sur l’histoire récente de son pays d’adoption, jusqu’à son expulsion à l’été 2012. Des pages très dures - la rage - qui traduisent les frustrations accumulées pendant les années de dictature du régime des Assad. Depuis lors, infatigable, il a pris fait et cause pour ceux qui travaillent au renversement du régime et à son remplacement. Il a même mené campagne en Europe pour la livraison d’armes aux rebelles. Il en livre ici les raisons, qui souvent n’ont pas convaincu.
La dernière partie du livre rapporte son retour au nord de la Syrie soustraite à l’autorité du régime et les multiples rencontres avec des victimes des violences et des acteurs de la guerre civile, membres de la branche syrienne du PKK ou combattants d’Al-Qaïda.
Toujours animé d’une passion pour la justice, le moine explique les raisons de ses choix politiques et sa vision pour l’avenir du pays : la lumière. Il reconnaît qu’il n’a pas la même analyse des événements que ses confrères jésuites restés à l’intérieur pour soutenir les populations victimes des violences. La guerre civile divise aussi les communautés religieuses...
Il est possible, écrit-il néanmoins en mars 2013, « que la révolution syrienne tombe dans l’islamisation et s’éloigne de l’espérance révolutionnaire démocratique du début ». Il trace les défis de cette révolution : l’unité du pays alors que les Kurdes voudraient en garder une partie ; la construction d’une démocratie sur fond clanique et tribal - alors même que certains combattants ne sont pas démocrates et que les démocraties ne sont pas cohérentes avec leur appui - et avec une minorité chrétienne restée liée au régime…
La guerre civile déchire son âme : « Je serai prudent et ne me mettrai pas en danger de façon irrationnelle… mais je ne veux pas vivre une vie qui soit autre chose qu’un don radical, à mort, à vie. » Un testament, oui.