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lundi, 27 juin 2016 15:40

Curiosité et profondeur

Jacqueline Kelen
Sois comme un Roi dans ton cœur
Genève, Labor et Fides 2015,164 p.

Interviewée par la journaliste Anne Ducrocq (La Vie, Le monde des religions...), Jacqueline Kelen, ancienne productrice de France Culture qui a déjà publié plus de trente livres consacrés aux grands mythes et aux figures mystiques, dit d’emblée que la vie privée ressemble à un jardin : il n’est pas interdit d’y entrer mais ce n’est pas un espace public que tous peuvent fouler. Nous voilà avertis, son jardin intime restera secret... car l’intériorité « c’est avant tout l’histoire entre Dieu et mon âme ». Une histoire qui tantôt ressemble aux plaintes de Job ou aux lamentations de Jérémie, tantôt prend le cours du Cantique des Cantiques.
Dès l’enfance, Jacqueline Kelen a le sentiment de venir de très loin, comme si elle avait déjà vécu des siècles. La nostalgie, dit-elle, ce n’est pas une vague tristesse ni le regret d’un passé révolu, mais le mal du retour vers son véritable royaume. Parlant de culture, qu’elle qualifie d’essentielle, elle dit qu’elle ne repose pas sur une accumulation de spectacles, de concerts, de visites de musées, mais sur une curiosité personnelle, la soif de découvrir, de rencontrer, d’être surpris et dépaysé. Et les pages se suivent, toutes plus belles les unes que les autres. La langue orale de l’interviewée est aussi légère, délicate, élégante, pleine de poésie que celle écrite à laquelle elle nous a habitués.
Ce qui la frappe en observant ses contemporains, c’est qu’ils sont de plus en plus encombrés, et de citer un proverbe yiddish : « Un linceul n’a pas de poches ! » Elle parle de son enfance, de ses études, de son travail à France Culture, de sa soif d’écrire. Sa curiosité à l’endroit des religions et des spiritualités du monde entier est inapaisée et elle cherche le fil d’or caché qui relie toutes les voies authentiquement spirituelles. La religion, dit-elle, relie, le spirituel délie et la mystique unifie.
Mais loin d’elle l’idée d’exercer une maternité spirituelle. Si « mon existence porte des fruits spirituels, Dieu seul en est témoin ». Elle espère simplement donner envie à chacun de s’aventurer dans l’amour et la connaissance, en stimulant la curiosité, le courage de réfléchir et d’approfondir. Parfois, elle se demande si elle est dans la ligne enseignée par l’Eglise ou si elle est gnostique ! En tous cas, elle s’en prend aux faux gourous, aux marchands de bien-être qui exploitent la confiance des gens. La religion n’a pas pour but d’aider ou de faire du bien, mais de révéler la Vérité. Et de citer Socrate : « Vous pouvez tuer mon corps, vous ne pouvez pas nuire à mon âme. » Elle avoue que si elle parle et écrit, c’est pour réveiller les consciences et les ranimer, pour rappeler la Transcendance.
Dans un dernier chapitre où il est question de sainteté, elle redit l’ordre pressant de Jésus : « Viens et suis moi. »

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