Dans Les lueurs, Matthieu Mégevand ne cesse de travailler son passé. Il interroge les événements et ses émotions d’alors, pondérés par le rabot du temps et de l’oubli, et se donne la liberté d’envisager ce qui aurait pu se passer si…. Et si la chimiothérapie n’avait pas eu prise sur la maladie ? Et s’il était mort plutôt que demeuré vivant?… Ce faisant, il ouvre des possibilités de bifurcations et souligne l’extrême relativité de l’existence, interrogeant avec beaucoup de sensibilité ce que vivre est. Sans forcer le trait, sans pathos, mais avec résolution, sobriété, il refait la traversée du tunnel dans l’autre sens, et nous entraîne vers le surgissement des lueurs.
Aidé par des cahiers noirs rédigés alors, ce travail de mémoire permet de réfléchir au statut de «la vérité», aux rôles que chacun joue dans l’existence, et à ce que la parole incarne. Mégevand ne triche pas, n’en rajoute pas... et d’ailleurs à quoi bon, le récit est en soi saisissant. Il s’agit de dire, simplement. Cette minutie et volonté se retrouvent au fil des pages. Sans fards, il décrit son corps, soumis au médical, rendu passif. Ce corps qui acquiesce à tout, passager plutôt qu’acteur, ballotté dans une existence dont la durée pourrait s’avérer brutalement réduite à néant.
Le récit est saisissant. Il révèle la force d’un homme de 31 ans qui, au final, se souvient davantage d’une histoire d’amour naissante, à défaut du jour d’annonce de sa rémission, d’un livre de Nicolas Bouvier, d’un air de Yann Tiersen et de Lhasa de Sela. Les lueurs: un hommage à la vie.