Puis, c’est son Journal que nous découvrons, du 5 avril 1972 au 31 décembre 1976, enrichi de lettres et d’extraits du conseil annuel de la communauté. Certains passages sont enthousiasmants, d’autres douloureux, «sur le sentier rocailleux trébuchent mes pas». Il relate la beauté de la pluie et sort sous l’auvent pour l’écouter alors qu’il entend non loin, quelqu’un qui maugrée «Quel misérable temps!» Là, il retrouve l’émerveillement devant deux petites pierres reçues il y a de nombreuses années. Plus loin, il nous conseille d’attendre qu’éclate en nous le mur des résistances. Bien se souvenir que si la prière avait un but utilitaire, ce serait une dérision, une simple projection de soi, un marchandage avec Dieu. Une question, lors d’entretiens, revient encore et encore: «Comment être moi-même ? Comment me réaliser?» Il y répond en disant que le Christ ne nous dit pas: «Recherche-toi toi-même», mais: «Toi, suis-moi». Le Concile des jeunes qui se prépare dès 1970 pousse en avant la communauté: «Il ne sera pas une aventure, un congrès ou un forum, mais une communion au sein d’une humanité qui lutte, qui cherche et aspire à un réenfantement.»
Ses visites au Chili sont bouleversantes... tant de misères, de drames, de tortures... L’épouse d’un militant communiste lui confie qu’il y a dans ce pays des chrétiens qui sont une vraie lumière. Longues lectures sur la Russie, les États-Unis, l’Inde. Il se pose des questions: où est Dieu, le Christ, l’Évangile dans ces peuples? Un lépreux à Calcutta lui chante les mots que voici: «Dieu ne m’a pas infligé un châtiment, je le chante parce que ma maladie est devenue une visite de Dieu.» Frère Roger croit entendre Job. Un soufi lui souffle: «Tous les hommes ont le même Maître. Maintenant c’est encore un secret qui n’a pas été révélé mais plus tard on le découvrira.» Merci Frère Roger pour ce qu’on découvre en vous lisant.