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jeudi, 07 novembre 2019 12:02

Chesterton

Écrit par

JoulieGérard Joulié
Chesterton
ou la quête excentrique du centre
Pierre-Guillaume de Roux, Paris 2018, 156 p.

Qui n’a pas lu La sphère et la Croix ou la série des nouvelles sur Le Père Brown de Gilbert Keith Chesterton (1876-1936) sans le désir d’en savoir un peu plus sur cet énorme et fabuleux auteur, dont la sagesse, l’humour et la fantaisie enchantent? Fin connaisseur et habile traducteur de la littérature anglaise, Gérard Joulié nous invite à le suivre dans la longue méditation que lui suggèrent la vie et l’œuvre de Chesterton.

Un fait massif et définitif retient son attention et lui sert de point d’observation: la conversion de Chesterton au catholicisme romain. L’auteur la voit comme un acte de rébellion dont la force insurrectionnelle le séduit. Chesterton l’insurgé devient dès lors le catalyseur qui lui permet de philosopher sur Dieu, le monde, l’Église et l’histoire. C’est surtout sa propre réflexion que Gérard Joulié nous livre.

Parce que les choses n’existent que dans leur mutuelle opposition, et qu’il s’agit d’en découdre, le vocabulaire guerrier est de mise. Les mots bataille, croisade, lutte, épée, soldat, chevalier coulent de sa plume avec une générosité jamais démentie. Jusque dans le ciel, où Dieu est qualifié de «premier insurgé», en guerre avec l’Adversaire dont la présence «luciférienne» resurgit avec insistance au détour de bien des pages. Rien de paisible dans cette méditation mais une militance justifiée par la condamnation sans nuance du monde moderne, confondu avec ses erreurs. La pire des époques puisque les religions ne se font plus la guerre! Tout était tellement mieux avant, au Moyen-Âge surtout, cet âge d’or du catholicisme! En dépit de quelques piques contre les Droits de l’Homme, il lui faut bien excuser Chesterton de son parti pris en faveur de la démocratie et de la république. Sa rébellion n’en reste pas moins exemplaire dans la mesure où elle remet l’église au milieu du village.

Dans la foulée, sous la conduite de son héros, l’auteur nous convie à une agréable promenade en compagnie de quelques écrivains anglais qui se sont convertis: Wilde, qui a droit à la part du lion, Graham Green, Waugh, d’autres encore qui font l’objet de réflexions originales, même si par moments on s’y perd un peu, hésitant entre l’auteur ou son personnage. Dans cette société anglaise, les dandys esthètes, diplômés de Cambridge et d’Oxford, plus ou moins homosexuels, semblent tenir une place non négligeable pour l’auteur, qui les épingle avec une assiduité non dépourvue de sympathie.

L’ouvrage est écrit d’un trait, sans chapitres ni sections, dans une langue agréable, farcie d’images originales et inattendues. Au gré de cette méditation, les concepts s’enchaînent les uns aux autres, les idées se succèdent en vertu de leur parenté, les personnages s’interpellent. Tout se passe comme dans un échange de salon à bâtons-rompus.

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