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dimanche, 02 août 2020 11:59

L'éthique de Calvin

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LEthique de CalvinLa doctrine du Réformateur a nourri bien des diatribes touchant le rapport-au-monde de l’être humain, du chrétien et du saint. D’une riche compilation de citations et de références, le professeur de l’Université de Genève tire quelques points saillants sous le terme controversé d’«éthique».

François Dermange
L’éthique de Calvin
Genève, Labor & Fides 2017, 320 p.

Ce que l’auteur nomme éthique se résume dans les principales règles de vie tirées des Écritures et de l’expérience, et ramassées, non seulement dans l’ouvrage central de Calvin l’Institution de la religion chrétienne (1541) mais dans d’autres écrits, commentaires et sermons du Réformateur. Cette richesse de références permet de faire apparaître certaines contradictions du Réformateur.

François Dermange en épingle avec honnêteté quelques-unes, notamment touchant la pensée et la pratique politique de Calvin. Il aurait pu tirer de semblables conclusions de la pensée économique du Réformateur, principalement touchant le prêt à intérêt, s’il n’avait pas pris pour argent comptant l’analyse wébérienne que les historiens ont, depuis longtemps, relativisée. De là à parler d’une pensée de Calvin «ouvertement dialectique», il y a un pas que l’auteur franchit un peu facilement (il ne faut pas confondre l’incohérence, due à la complexité des situations concrètes, avec la contradiction dialectique où chaque négation naît de la position du moment précédent).

Je souligne l’originalité de ce gros ouvrage. La nature, la grâce et l’esprit forment, d’après François Dermange, les trois dimensions, peut-être les trois degrés de l’éthique selon Calvin, dimensions déployées en trois relations essentielles: à la création, à la rédemption et à l’esprit d’amour. Cette présentation a le mérite de mettre un peu d’ordre dans un salmigondis de textes tirés de Jean Calvin, mais, aussi satisfaisante fut-elle pour un esprit de géométrie, cette trilogie formelle n’arrive pas à satisfaire le lecteur: en dépit du psalmiste, la création ne révèle pas d’emblée le créateur; cette reconnaissance est l’œuvre de l’Esprit d’amour que seul le Christ a transmis.

Si éthique il y a, il faut montrer qu’elle assume et dépasse en Christ les règles les meilleures. L’auteur évoque la posture des stoïciens, cette grande tentation chrétienne, en soulignant combien Calvin baignait dans l’humanisme de la Renaissance; il évoque aussi avec abondance les préceptes que le Réformateur tire des Écritures. Toutes ces règles disparates ne font pas une éthique. Comme dit le théologien suisse Hans Urs Von Balthasar, la dignité de l’être humain est d’affronter les situations risquées que les règles ne résolvent pas, situations qui forment le point crucial, j’allais dire la croix salvifique, de l’éthique.

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