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dimanche, 02 août 2020 15:13

Comment j'ai parcouru l'Indo-Chine

comment j'ai parcouru l'Indo ChineFin XIXe siècle, rares sont les femmes à entreprendre des voyages d’exploration, sauf en accompagnatrices courageuses et effacées de leur mari explorateur. Isabelle Massieu, veuve fortunée d’un avocat de province sous la Troisième République, a fait exception dans de longs voyages au Proche-Orient et en Asie dans les années 1890. «Il me semble que nous avons tout intérêt l’horizon de nos idées, à nous rendre compte de ce qui se fait au-dehors, à observer d’autres initiatives que les nôtres, d’autres manières de comprendre la vie.»

Isabelle Massieu
Comment j’ai parcouru l’Indo-Chine. Birmanie, Etats Shans, Siam, Tonkin, Laos
Genève, Olizane 2018, 292 p.

Ce récit a été publié en 1901 et se concentre sur l’Indo-Chine. L'auteure est montée de Saigon à Angkor puis a rejoint Rangoun en Birmanie par bateau via Bangkok et Singapour. Ensuite par voie de terre ou fluviale, elle est remonté à Bhamo, via Mandalay avant de traverser toute la péninsule indochinoise jusqu’à Hué et fait une incursion au Tonkin à partir de Hanoï.

Ses analyses s’inscrivent dans le contexte colonial de l’époque. Elle compare les méthodes de l’administration anglaise en Birmanie et celles des Français en Cochinchine. Elle reproche aux Anglais «leur antipathie de race, leur mépris, le dédain du blanc pour le jaune ou le noir […] Il y manque l’amour. L’Anglais n’aime pas l’indigène. Il le méprise souvent et le dédaigne toujours.» Elle s’interroge: «La conquête a-t-elle fait le bonheur des Birmans? […] C’est toujours la vieille histoire du peuple conquérant qui prétend apporter au vaincu tous les bonheurs et toutes les gloires dans les usages d’une civilisation qu’on était loin de lui demander!» Paradoxalement elle juge «l’inestimable valeur de notre empire coloniale asiatique […] Notre empire coloniale n’est pas un luxe vain et couteux […] Il est devenu un des éléments vitaux de notre grandeur nationale.» Elle insiste sur «l’immense richesse minérale et agricole de l’Indo-Chine, sans désert, fertile, avec une main d’œuvre indigène surabondante […] Il ne dépend que de nous de faire du Tonkin ce qu’il doit être: un des plus riche joyaux de notre couronne coloniale»; y ajoutant certaines conditions comme diminuer le nombre de fonctionnaires et de développer les moyens de communications comme pour l’économie par exemple.

Pendant ce voyage, elle nous fait partager sa réelle empathie face aux populations indigènes, dont elle décrit minutieusement les us et coutumes. Courageuse et tenace, elle donne mille détails dans ses descriptions (elle utilisera la longueur de son parapluie pour décrire la longueur de la statue d’un Bouddha couché!). Elle décrit les paysages avec beaucoup de sensibilité, faisant peu de cas des conditions très difficiles du voyage, prenant avec humour les incidents de parcours.

Un texte passionnant et historique où nous vibrons avec elle. Elle a été la première exploratrice à prendre des photos.

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