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lundi, 05 octobre 2020 09:00

Chroniques d’un confiné

Écrit par

LivreEugene

Quand le début du semi-confinement «à la Suisse» est annoncé, Eugène est à la montagne avec femme et enfant. Il n’en redescendra que quelques semaines plus tard. Car en ce soir du 13 mars 2020, quand il découvre sur Facebook les photos des supermarchés vidés par des consommateurs paniqués, sa décision n’est pas difficile à prendre. «On va rester un peu là-haut.» C’est à cet instant que débute ce journal d’un confiné pas tout à fait comme les autres.

Eugène
Le mammouth et le virus
Genève, Slatkine 2020, 176 p.

Dans ce récit fait d’une suite de mini-chroniques à déguster comme de délicieuses mignardises, Eugène attrape les événements de revers pour en révéler les contours à demi-cachés sous un tapis d’informations. De sa plume amusée, il dépeint le monde qui l’entoure et les décisions prises par une société désorientée, et ce sans une once de méchanceté, ou presque. Le conseiller fédéral Guy Parmelin en prend tout de même pour son grade! L’écrivain s’énerve aussi un peu quand il relève que «la Suisse a cette capacité de découvrir périodiquement ses pauvres. Un peu comme Christoph Colomb qui découvre les Indiens vivant aux Caraïbes depuis des lustres». Et va jusqu’à ressentir un brin de colère quand son fils, en pleine élaboration d’une histoire inventée, veut partir à la chasse au virus: «Le coronavirus n’a pas le droit d’infecter l’imaginaire de mon garçon.»

Mais le plus souvent, Eugène sourit de la cocasserie d’événements ou de propos. Il s’émerveille aussi de la beauté d’un ciel bleu sans trace blanchâtre: «Dix-huit millions de passagers ont atterri à Genève en 2019. Et soudain plus rien. Un ciel vide.» Il s’amuse du prix du baril de pétrole qui atteint le plancher: «Zéro dollars! Un mars au kiosque coûte désormais plus cher qu’un baril de pétrole. Et les observateurs précisent que la tendance est à la baisse…»

L’écriture est fine, intelligente, à lire d’une traite ou comme un manuel de Yi Jing: on l’ouvre au hasard à une page et on lit. Ça donne un point de départ à la réflexion. Et quelques épices pour agrémenter nos brins de jugeote, en ces temps de confusion des certitudes, ce n’est pas de refus. Eugène jette aussi pour appât quelques proverbes revisités: «Ce qui ne me grippe pas me rend plus fort» (Nietzche, mai 2020); «Le confinement c’est long, surtout matin, midi et soir» (Moi) en écho à la célèbre phrase de Woody Allen: «L’éternité, c’est long. Surtout vers la fin.»

Permettez-moi cette dernière pensée philosophique en guise de mot de la fin que vous pourrez réutiliser à volonté quand un étranger vous demandera votre avis sur les Helvètes: «… le Suisse. Quand il se confine, il achète du PQ; quand il se déconfine il se rue sur les pots de fleurs.» Allez savoir…

À lire également -pour les abonnés- dans la revue choisir n°697 d'octobre-novembre-décembre 2020, la chronique d'Eugène: Nouvelles cartes.

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