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jeudi, 22 octobre 2020 07:45

Ne pas s’y laisser Trumper

GagneAndré Gagné analyse dans cet ouvrage de quelle manière les chrétiens charismatiques, réunis autour de la figure quasi «christique» de Donald Trump, ont pris le pouvoir aux États-Unis. Tout en menant une «guerre spirituelle» contre leurs opposants, ils ont fait basculer le débat sur le plan religieux afin de façonner une nation théocratique. Plus de 80% des évangéliques blancs avaient en effet voté pour le milliardaire en 2016.

Considéré par certains évangéliques comme «l’élu de Dieu», une partie d’entre eux voit surtout en lui la possibilité d’une profonde transformation sociopolitique en vue de l’avènement du Royaume de Dieu sur Terre. Pourtant, à l’aube d’une nouvelle élection présidentielle, les soutiens évangéliques s’effritent et des voix s’élèvent pour dénoncer le comportement du président Trump.

André Gagné, spécialiste des mouvements charismatiques aux États-Unis, nous met d’emblée en garde: «Les évangéliques ne partagent pas tous les mêmes croyances et n’accordent pas tous leur appui au président américain.» L'auteur se concentre donc sur le décryptage des visées politiques de ceux qui soutiennent inconditionnellement Donald Trump. Il montre de quelle manière toutes les décisions du président Trump font partie d’une vaste stratégie de réorganisation totale de la société selon une certaine vison «chrétienne».

«La frange évangélique fidèle au président Trump fait partie de la "droite chrétienne", une coalition religieuse aux visées politiques qui lutte contre le pluralisme de la société en matière notamment de mœurs, mais aussi de religion (avec la volonté d’imposer une hégémonie "judéo-chrétienne" à la société américaine).» Cette «droite chrétienne» se fédère autour de causes communes. Avec une opposition farouche aux droits des personnes LGBTQ+, l’activisme antiavortement, la lutte contre l’euthanasie, la remise au goût du jour de la prière à l’école ou l’enseignement du créationnisme, cette coalition ne cherche rien de moins qu’à «imposer un nationalisme chrétien où les valeurs "judéo-chrétiennes" seraient le fondement de la loi du pays».

Pour imposer cette vision du monde, les charismatiques proches du pouvoir politique cherchent à influencer les sphères de la religion, de l’éducation, de l’économie, de la politique, de l’art, des médias et de la famille. Toute opposition à Trump et à son programme de transformation sociale est comprise en termes de «combat spirituel». Les adversaires politiques sont tout bonnement relégués au rang de forces démoniaques qui s’acharneraient contre lui. Et enfin, puisque le président ne serait rien de moins que le nouveau messie, représentant le seul espoir pour les États-Unis, ses décisions politiques trouvent auprès de ses soutiens des interprétations eschatologiques dangereuses d’un point de vue de la stabilité mondiale (cf. la politique vis-à-vis d’Israël ou de l’Iran, comprise comme la Perse biblique).

Mais comme le révèle un sondage du Public Religion Research Institute publié jeudi 4 juin et relayé par le New York Times, la popularité du président est en baisse. Car, non, les évangéliques ne constituent pas un bloc monolithique. «Quand on dit que 81% des évangéliques ont soutenu Trump, il est important de préciser qu’il s’agit des "évangéliques blancs" […] Les Églises noires n’ont très majoritairement pas soutenu, Trump, et ne le soutiennent pas. La majorité des Hispaniques non plus. Quand on prend cela en compte, plus le fait que 19% des évangéliques blancs n’ont pas soutenu Trump, il y a environ 40% de l’évangélisme qui n’a pas voté pour Donald Trump -je n’ai pas de sondage qui montre cela précisément, c’est mon estimation», affirme Ronald J. Sider. En juin dernier, ce théologien et activiste américain a publié avec trente autres personnalités évangéliques un ouvrage attaquant ouvertement Donald Trump. Ce projet met en lumière des évangéliques qui non seulement sont en désaccord avec le président, mais qui le considèrent de surcroît comme une menace spirituelle.

André Gagné, Ces évangéliques derrière Trump, Genève, Labor et Fides 2020, Collection Enquêtes, 168 p.

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