Auteur de La véritable histoire de Jésus (Juillard 2007), il s’attache dans ce livre à la figure de Marie, «une femme juive, veuve, seule et mère de huit enfants au moins». Il faut, dit-il, oublier la mère de Dieu, «l’éternelle célibataire à l’allure de religieuse», afin de retrouver le rôle terrestre de Marie, mère juive, issue des familles les plus influentes de l’histoire, dont la vie «céleste» a occulté son enracinement temporel et géographique. Le christianisme l’a volontairement coupée de ses racines juives en adoptant une version revue et corrigée de la philosophie néo-platonicienne pour qui le corps n’a aucune valeur. Rien moins que cela! Le ton est donné. Et l’érudition de Tabor entend le démontrer.
La thèse de l’auteur est celle-ci. Marie est d’ascendance biologique royale et sacerdotale de David, selon la généalogie de l’évangile de Luc (chap. 3). De Pantera, soldat romain, originaire de la région de Sidon et dont la pierre tombale a été retrouvée en 1859 sur la rive du Rhin, près de Bingen en Allemagne, Marie aurait enfanté Jésus et les autres enfants, dont en particulier Jacques «le frère du Seigneur». Celui-ci est «le disciple que Jésus aimait» dont parle l’évangile de Jean. Il recueillera sa mère après la crucifixion et deviendra le chef de la communauté chrétienne naissante, attachée au judaïsme ancestral, à l’opposé de Pierre et surtout de Paul, «qui ne connaît plus le Christ» selon l’origine terrestre et prône une religion de salut construite sur la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Le peu de visibilité ou plutôt l’éradication de Marie dans les évangiles -en tout et pour tout douze passages où elle est nommée- viendrait du fait que le courant triomphant de Paul et Pierre l’aurait fait presque complètement disparaître des sources. L’apôtre Paul n’en parle aux Galates qu’à propos de l’envoi par Dieu de son Fils «né d’une femme», sans jamais lui donner son nom de Marie.
L’intention de Tabor de rendre à Marie sa véritable dimension de femme juive et sa féminité -son libre choix du père de Jésus-, et le fait de souligner «sa puissante force spirituelle» me paraît juste. Et aussi de lutter contre une lecture fondamentaliste chrétienne. Mais son érudition historique me paraît fortement tributaire d’hypothèses hasardeuses et de parti-pris. Ainsi faire de Jacques, frère du Seigneur, «le disciple que Jésus aimait» se tenant à côté de lui au dernier repas ne repose sur rien. Et l’hypothèse du soldat romain Pantera, père de Jésus, reproduite dans la polémique juive antichrétienne dont témoigne en premier Origène et dont l’interprétation est difficile, n’a recueilli que peu de défenseurs.
Tabor remplit souvent les vides du récit évangélique et du texte des Actes des Apôtres par des constructions de son cru. D’autre part, ses jugements sur l’organisation des communautés chrétiennes anciennes et, plus tard, sur les débats des conciles (Éphèse et Chalcédoine) montrent qu’il a une connaissance très superficielle de l’histoire des conciles. Ce qu’il dit des «dogmes mariaux» également.
Enfin, l’édition française renferme plusieurs erreurs matérielles concernant les citations bibliques et d’auteurs anciens, ainsi que des dates erronées, négligences regrettables de la part de l’éditeur.