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mardi, 24 août 2021 09:48

Penser les fondements philosophiques de la conversion écologique

PriauletIsabelle Priaulet
Penser les fondements philosophiques de la conversion écologique
Pour une écologie de la résonance
Genève, Labor et Fides 2020, 608 p.

Les chrétiens «ont besoin d’une conversion écologique», même le pape le reconnaît (Laudato si’, § 217). Mais ils ont un problème: pour le dire en deux mots, leur tradition ne valorise ni le corps ni la nature. Un énorme travail de pensée est donc nécessaire pour qu’ils puissent s’engager sur la nouvelle voie. C’est là l’immense mérite du savant travail -une thèse de doctorat- d’Isabelle Priaulet: nous permettre de comprendre ce qui est en jeu dans la transformation du rapport à la nature.

Sur quoi doit porter l’effort de pensée? Sur la «chair du monde», sur la circularité entre transformation de soi et de l’être-au-monde, sur l’importance du vécu, sur le rapport au corps, sur le rôle de la culture… La philosophe étudie ces thèmes en présentant une multitude d’auteurs clés, de Heidegger à Arne Naess, en passant par Jonas, Anders, Ellul, Platon, les stoïciens, les épicuriens, Maxime le Confesseur, Grégoire Palamas, Bonaventure, Spinoza, Thoreau ou Merleau-Ponty.

Le parcours est fascinant. Il réserve cependant une surprise. L’auteure parvient à cette conclusion: «Le bouddhisme zen japonais, tel que l’enseigne Dôgen, est certainement la spiritualité la mieux adaptée pour penser la conversion écologique.» Dès le début, le lecteur se demandait pourquoi le mot soi était écrit avec une majuscule («retour à Soi», etc.). À la fin du livre, il éprouve un malaise: la démarche n’est-elle pas orientée? Et il s’interroge. La vacuité, l’immanence permettent-elles vraiment de fonder plus solidement le «cœur à cœur» avec le réel que l’altérité et la transcendance? Permettent-elles d’articuler conversion écologique et transformation sociale? L’éveil est-il une conversion? Toutes les ressources chrétiennes pour penser la conversion écologique sont-elles exploitées, par exemple celles qu’offrent un Jean Scot Érigène ou un Dante, qui croient au bonheur sur la terre (cf. Giorgio Agamben, Le royaume et le jardin, Rivages 2020)? Les questions ne sont pas anodines, ce qui n’empêche pas le lecteur de faire de précieuses découvertes.

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