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jeudi, 31 octobre 2019 13:11

La crise de l’esprit et autres textes

Valery 1Paul Valéry
La crise de l’esprit et autres textes
Neuchâtel, Soleil d’Encre 2018, 158 p.

«Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.» Cette phrase de Valéry met l’eau à la bouche. Elle promet que les meilleurs textes du célèbre écrivain permettront d’en savoir plus sur les dérives contemporaines. Et de fait, ceux-ci donnent à réfléchir, par exemple lorsqu’ils montrent que les esprits modernes s’engagent dans une voie sans issue parce qu’ils abusent de «savants mélanges». Valéry n’a-t-il pas raison de dénoncer «la libre coexistence dans tous les esprits cultivés des idées les plus dissemblables, des principes de vie et de connaissance les plus opposés»? Nos esprits ne ressemblent-ils pas à un «carnaval» où se côtoient des figures culturelles incompatibles, doxa économique libérale, évangile de la solidarité, technophilie, écologisme...?

Au fil des pages pourtant, une expérience moins agréable attend le lecteur. Une centaine d’années après leur publication, certains développements paraissent très datés. Comment adhérer à ce culte de l’«esprit» d’un homme qui ne s’intéressait au monde «que sous le rapport de l’intellect», qui idolâtrait la géométrie, qui osait mettre ces mots dans la bouche de Monsieur Teste: «La bêtise n’est pas mon fort»? Insensé de croire, comme lui, que l’Europe est «la partie précieuse de l’univers terrestre, la perle de la sphère, le cerveau d’un vaste corps». Inconcevable de souhaiter que «l’Europe garde sa prééminence dans tous les genres».

Cela dit, de tels passages ont tout de même un intérêt : leur côté prétentieux fait comprendre, par contraste, à quel point le travail des sciences humaines tout au long du XXe siècle a été salutaire. Plus possible, aujourd’hui, de se croire au-dessus de la mêlée. Le lecteur peut ainsi tirer profit de différentes manières de ce petit livre publié par François Berger, amateur de belle langue, qui a pour ambition de rééditer des textes de valeur mais «quelque peu oubliés».

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