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mercredi, 15 décembre 2021 11:42

Dieu n’aime pas les sacrifices

Écrit par

CivelliJean Civelli
Dieu n’aime pas les sacrifices
Le cléricalisme et le sacré

Paris, Parole et Silence 2021, 200 p.

Voici un livre qui rendra les meilleurs services à ceux et celles qui se forment en vue d’exercer un ministère dans l’Église. Très pédagogique, bien structuré, fruit d’une lecture assidue du Nouveau Testament et de ses meilleurs interprètes, théologiquement à jour, il offre une bonne synthèse des questions que pose la place du sacerdoce ordonné dans le paysage ecclésial. Même si le concile Vatican II l’a resitué théologiquement, la relation entre le sacerdoce ordonné et les fidèles n’a jamais été bien résolue dans la pratique.

L’itinéraire proposé par l’auteur est d’autant plus actuel qu’il découvre les ultimes racines de la terrible crise qui secoue aujourd’hui l’Église catholique. Le pape François a dénoncé le cléricalisme comme la source empoisonnée de toutes sortes d’abus commis par un certain clergé. Cette peste trouve sa justification dans la séparation radicale entre le sacré et le profane, le divin et le séculier. Inaccessible sur son piédestal, dominant le monde séculier, devenu intouchable, le personnage consacré est menacé de toutes les dérives.

Sous le couvert du pouvoir sacré, une ancienne conception aux origines païennes refait régulièrement surface au cours de l’histoire de l’Église. Jésus n’appartient pas à la caste sacerdotale; en sa personne, il a aboli l’antique sacerdoce fondé sur le fossé qui sépare le divin du profane. Réunissant en sa personne le monde de Dieu et celui des hommes, les sacrifices, ces ponts obligés entre le ciel et la terre, sont caducs, et la fonction du prêtre-sacrificateur, le spécialiste du sacré, obsolète. La vie du Christ, vouée au service de la communauté, est livrée en rançon pour la multitude qui lui succède. C’est l’amour, le don de soi qui désormais franchit le fossé qui sépare le sacré du profane, le divin de l’humain. L’eucharistie, «le repas sacrifié», en maintient vive la mémoire.

En bon pédagogue, l’auteur conduit son lecteur dans la découverte de la profonde nouveauté apportée par le Christ dans les relations entre Dieu et les hommes. Il ne craint pas d’en dégager les conséquences pastorales très concrètes qui en résultent, en particulier dans la pratique eucharistique. Ses conclusions aideront bien des fidèles à être un peu plus au clair sur le sens de leur pratique religieuse.
Pierre Emonet sj

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