J.-B. Rauscher part du constat que si la position du magistère romain en matière de morale sexuelle et familiale est bien connue et largement diffusée, le rapport de l’Église catholique au capitalisme reste flou. Renonçant à remonter au «communisme» des premiers groupes chrétiens, ni même au christianisme social de Félicité de Lamennais, il centre son étude sur une période beaucoup plus contemporaine, qui commence en 1891 avec l’encyclique Rerum novarum du pape Léon XIII, dont il montre les limites. Souvent perçu comme moderniste, voire «socialiste», ce texte affirme en effet la légitimité de la propriété privée et s’oppose prioritairement au marxisme. Le capitalisme n’y apparaît « qu’en creux ». Il en va de même avec les encycliques suivantes, de Pie XI à Benoît XVI. Tout au plus les excès du capitalisme sont-ils dénoncés, non le système lui-même.
Dans un texte tout en nuances, et qui requiert par là même une lecture exigeante, l’auteur décline les diverses positions dans l’Église, de la théologie de la libération à une acceptation d’un capitalisme «modéré» et «démocratique», complété par la charité chrétienne. Pour J.-B. Rauscher, il convient de se pencher en priorité sur l’ethos du catholicisme, et pour cela de revenir aux textes bibliques de l’Ancien et du Nouveau Testaments, particulièrement aux enseignements de saint Thomas d’Aquin. Ce qui ne résout cependant pas totalement le problème de «l’illisibilité de la position catholique» face au capitalisme, qui réside dans l’antithèse entre une application illusoire de la pureté chrétienne et sa mise entre parenthèses dans le champ économique.
S’il n’apporte pas une solution claire et définitive à cette problématique, le livre propose une réflexion stimulante, à la jonction entre considérations théologiques et économiques.