Dans le langage simple et direct qui lui est familier, le pape François s’adresse au chrétien ordinaire en le tutoyant. Le ton est donné. Le pape se fait accompagnateur spirituel pour cheminer avec ses fidèles sur le chemin de la sainteté. Ici encore, il met en pratique l’enseignement du concile Vatican II sur l’appel à la sainteté, qui était resté plutôt théorique et en arrière-plan. Réaliste, le pape se réfère à la sainteté incarnée par les saints et les saintes, des hommes et des femmes qui, à diverses époques et dans divers milieux ont incarné l’Évangile.
Les ennemis de la sainteté
L’Exhortation commence par dénoncer deux ennemis de la sainteté, deux hérésies toujours actuelles. À l’aide d’exemples concrets, le pape François épingle les mouvements et les courants actuels qui falsifient le message du Christ.
D’un côté le gnosticisme, une doctrine facilement élitaire et intellectuelle, forte du seul recours à la raison, qui exalte la connaissance et évacue le mystère. Fondement d’une spiritualité désincarnée, qui ignore la transcendance et «prétend réduire l’enseignement de Jésus à une logique froide et dure qui cherche à tout maîtriser» (n°39).
À l’autre extrême, le pélagianisme, la tendance à vouloir se justifier devant Dieu en se fiant à ses propres forces ; l’hérésie de ces personnes qui se sentent supérieurs aux autres «parce qu’elles observent des normes déterminées ou parce qu’elles sont inébranlablement fidèles à un certain style catholique» (n°49). Les mouvements traditionnalistes sont dans la ligne de mire, et le pape illustre sa réflexion en multipliant les exemples pratiques tirés de l’actualité: l’obsession légaliste, la fascination pour des conquêtes politiques ou sociales, le souci excessif d’une liturgie ostentatoire, d’une Église et d’une doctrine prestigieuses, etc.
Au cœur, la pratique des Béatitudes
Le centre de l’Exhortation est certainement le chapitre où le pape explique que le cœur de la vie spirituelle consiste dans la pratique des Béatitudes, la «carte d’identité du chrétien». Un beau et long chapitre propose une actualisation de chaque Béatitude comme chemin de sainteté pour aujourd’hui. Un commentaire de la parabole du jugement dernier dans l’Évangile selon Matthieu (ch. 25) et l’évocation de saints comme François d’Assise et Mère Teresa de Calcutta mettent en garde ceux et celles qui seraient tentés de transformer le christianisme en une sorte d’ONG, en dissociant le soin des pauvres de leur propre relation personnelle au Seigneur.
Un chapitre marqué au coin du bon sens esquisse quelques caractéristiques d’une sainteté pour aujourd’hui: fidélité, patience et douceur dans un monde impatient et de violence, joie et humour dans une société désenchantée, audace et ferveur face aux tentations immobilistes et bureaucratiques, rôle de la communauté contre l’individualisme ambiant, et surtout importance d’une habitude de prière constante.
Sortir de la torpeur pour choisir
Qui dit vie spirituelle, dit nécessairement combat. C’est l’occasion pour le pape de dire que pour lui, le diable est un être réel, et pas seulement un mythe ou la simple personnification du mal. Un des plus grands dangers qui menace la sainteté est la corruption spirituelle, la torpeur de ceux et celles qui s’estiment justes parce qu’ils n’ont rien à se reprocher. Cette attitude fait plus de tort que n’importe quelle chute ou mauvais pas.
Pour finir, en bon jésuite, le pape développe toute un enseignement sur le discernement, une pratique devenue particulièrement nécessaire à une époque où chacun, et particulièrement les jeunes, est exposé à un perpétuel zapping, où tout est offert et tout est possible. Importance de faire des choix, de vérifier continuellement si le vin nouveau vient de Dieu ou pas, de ne pas vouloir changer sans raison ni de stagner dans l’immobilisme.
Pour lire le texte de l'exhortation du pape
Pape François
Gaudete et exsultate
Exhoration apostolique sur l'appel à la sainteté dans le monde actuel
Préface de l'abbé François-Xavier Amerdt
St-Maurice, saint-Augustin 2018, 104 p.