Le concept de réconciliation recouvre plusieurs sens. Du point de vue personnel, se réconcilier, c’est mettre fin définitivement à un conflit entre deux personnes. Dans le domaine sociopolitique, on peut associer la réconciliation avec un accord de paix mettant fin à une guerre, mais cela reste bien plus qu’un simple accord de paix. Dans le domaine biblico-théologique, la réconciliation est une catégorie essentielle de la sotériologie, aussi liée à l’absolution des péchés. On ne doit pas confondre, mais encore moins séparer, ces différents domaines.
Quel sens aurait la foi chrétienne dans le salut, si on ne pouvait le vérifier d’aucune façon dans la réalité historique?
Les réflexions qui suivent s’inscrivent dans un contexte historique et personnel. Je me trouvais au Salvador lorsque, le 16 novembre 1989, des soldats de l’armée assassinèrent deux laïques -Julia Elba et sa fille Celina- et six jésuites. J’ai eu la chance de connaître ces derniers de leur vivant. Ils ne sont malheureusement que des représentants -des vicaires- des dizaines de milliers de victimes innocentes autour du monde. C’est une bonne chose que l’on continue d’insister sur la nécessité d'enquêter sur le cas des jésuites salvadoriens, afin que la lumière soit faite sur ce qui est vraiment arrivé et que justice leur soit rendue au sens juridique. Cette investigation et cette justice doivent néanmoins aussi être vicariales si l’on veut que justice soit faite pour toutes les victimes de la répression et de l’injustice.
De même, une réflexion théologique sur la réconciliation dans le cadre de massacres de tant de victimes innocentes constitue un véritable défi. Cela m’amène à évoquer la célébration du Jour des morts (Día de los Difuntos), un 2 novembre, il y a quelques années. Ce jour-là, j’ai participé à une célébration impressionnante devant le «Monument à la mémoire et la vérité» dans le parc Cuscatlán à San Salvador. La construction d’un monument national à la mémoire des plus de 75'000 victimes du conflit armé et de la répression au Salvador de 1981 à 1992 était l’une des recommandations que le Rapport de la Commission sur la vérité au Salvador des Nations Unies faisait à l’État salvadorien en 1993. On considérait cette construction comme faisant partie des réparations morales aux victimes. Cependant l’initiative ne compta pas sur le soutien des autorités salvadoriennes, mais fut promue par le Comité Pro-Monumento de las Víctimas Civiles de violaciones de Derechos Humanos, comité qui regroupe une dizaine d’organisations non gouvernementales du Salvador.
Le monument fut inauguré le 6 décembre 2003. Un mur de granite noir de 85 mètres de long immortalise les noms de 25'565 fillettes, garçons, femmes et hommes, victimes innocentes du conflit. Le texte inscrit sur le monument dit: «Un espace pour l’espoir, pour continuer à rêver et construire une société plus juste, plus humaine et plus équitable». Ce monument suppose un pas transcendantal vers la dignification des victimes du conflit armé au Salvador, assassinées ou disparues, et vers la réconciliation.
La sagesse du peuple: des témoignages
Il est de coutume au Salvador de fleurir (enflorecer) les tombes le Jour des morts. Ainsi, les gens ont apporté des fleurs pour se souvenir des leurs. Il y eut une messe et, au lieu d’une homélie, on a laissé le microphone ouvert pour les participants. Les témoignages furent impressionnants et certains terrifiants. Un homme raconta le massacre commis par les soldats des Forces armées dans un village. Ils massacrèrent d’abord les adultes et laissèrent les enfants avec les cadavres toute la nuit, avant de revenir le lendemain pour tuer aussi les enfants. Une femme a lu une liste de 36 noms d’un massacre ignoré jusqu’alors dans le canton El Tremedal de Chalatenango. L’assemblée a répondu «Présent» à chacun des noms.
Des représentants de l’association Pro-Búsqueda de niños y niñas desaparecidos, fondée en 1994 par le jésuite Jon Cortina, prirent aussi la parole. Pendant la guerre, des centaines d’enfants ont disparu du sein familial. La plupart d’entre eux furent enlevés par des soldats des Forces armées. En 25 ans de travail intense, Pro-búsqueda a pu localiser 443 personnes qui ont pu ainsi retrouver leurs familles. Le principal obstacle auquel elle a été confrontée est le manque de coopération de l’État salvadorien et surtout des Forces armées. Lors des témoignages ont surgi, sous différentes formes, les thèmes du pardon et de la réconciliation. Une femme qui avait perdu plusieurs membres de sa famille a crié avec indignation: «Ni oubli ni pardon!» Un homme, dont le père faisait partie des victimes, a réagi en disant que, comme chrétiens, nous devions pardonner, même nos ennemis. Il a mentionné l’exemple de Jésus qui, se voyant crucifié, a dit: «Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font.» Il a rappelé que la haine génère plus de haine et qu’elle ne peut être vaincue qu’avec l’amour. Une femme âgée qui pleurait ses deux enfants a affirmé l’importance du pardon chrétien, mais a ajouté, avec une grande sagesse, qu’il n’est de pardon possible que s’il a été demandé:
«Et jusqu’à maintenant, personne ne m’a demandé pardon».
Cette commémoration et ces témoignages de souffrance et de sagesse du peuple présentent en soi beaucoup de ce qu’on peut dire à propos de la réconciliation. La réconciliation présuppose le pardon, lequel à son tour présuppose le souvenir, la vérité et la justice. J'aimerais ici élever cette réalité vécue à un concept théologique et l’approfondir quelque peu, en m’inspirant de la théologie politique de Johann B. Metz ainsi que de la théologie de la libération d’Ignacio Ellacuría et Jon Sobrino.
La dimension "subversive" du souvenir
Seuls les événements passés peuvent être pardonnés. Cela demande de s’en souvenir et de les confesser. Durant la célébration du monument, on a commémoré la présence du passé de manière à déployer un nouvel avenir. Car celui qui oublie le passé se risque à le reproduire.
Les présidents d’extrême droite du Salvador ont constamment rejeté les pétitions des organismes juridiques nationaux et internationaux relatives aux cas de Mgr Romero et des jésuites sous l’argument hypocrite selon lequel cela ne ferait que rouvrir les plaies du passé. Ils se sont réfugiés pour cela derrière la loi d’amnistie de 1993. Mais en plus d’être inconstitutionnelle, cette loi ne s’applique pas aux crimes contre l’humanité. Se souvenir des victimes, c'est leur rendre leur dignité. Une «solidarité vers le passé» (solidaridad hacia atrás), solidarité remémorative envers les morts et les victimes, existe. Le mot «Présent», formulé après l'appel de chaque nom lors de la célébration du monument, revêt un sens profond. Nommer les victimes par leurs noms est une manière de les rendre présentes et de les dignifier.
Johann B. Metz a insisté, dans sa théologisation de la mémoire, sur le fait que le souvenir peut être un «souvenir dangereux»... dangereux lorsque les assassins sont encore en vie et jouissent de l’impunité. Se souvenir des victimes exige de réclamer justice.
Ce n’est pas un hasard si la destruction du souvenir est l’une des mesures classiques de tout gouvernement totalitaire.
Cette idée que le souvenir peut être dangereux est bien connue au Salvador. Au début des années 80, après l’assassinat de Mgr Romero, il était dangereux pour les pauvres de ne posséder ne serait-ce qu’une photo de lui. Dans de rares cas, lors d’une perquisition militaire, il suffisait d’une photo de Mgr Romero pour que la personne soit considérée comme «subversive» et qu’on la fasse «disparaître».
La souffrance représente elle aussi un danger, parce qu’elle possède une dimension subversive. Nombre de mouvements de libération se sont inspirés de l’évocation des souffrances du passé. À l'image de Farabundo Martí, le leader salvadorien du soulèvement paysan en 1932 qui fut réprimé par l’armée lors de la tristement célèbre «tuerie» qui a fait plus de 30'000 morts. Farabundo Martí a donné son nom à la guérilla menant la guerre civile ainsi qu’au parti qui fut fondé après la guerre.
Le nécessaire récit des souffrances du passé
Pendant la célébration du Monument aux victimes et la vérité, les membres des familles et les survivants ont fait part de leurs souvenirs et de leurs blessures. On touche là à une autre catégorie essentielle de la théologie politique de Metz: le récit des souffrances du passé. Le fait qu’on puisse raconter son histoire et qu’elle soit écoutée a un effet curatif. Metz parle de la structure narrative de base de la théologie: «N’est-ce pas le devoir du théologien de faire que les gens parlent? Ne doit-il pas être, lui, le praticien ecclésial de la maïeutique du peuple? Ne doit-il pas, lui, se responsabiliser de ce que les gens puissent “être présents” et “collaborer”, qu’ils trouvent leur langage et atteignent la catégorie de sujet au sein de l’Église?»
La théologie se doit d’écouter le peuple; qui plus est, elle doit adopter comme point de départ l’expérience religieuse des gens qui s’expriment par des symboles et des récits. La théologie doit prendre au sérieux l’expérience qu’en a faite Jésus lui-même, car c’est aux petites gens et non aux sages qu’ont été révélés les mystères du royaume. Les pauvres ne peuvent faire de la théologie au sens professionnel, mais ils peuvent illuminer et nourrir la théologie de leur foi vécue, de leurs symboles et de leurs narrations. Pour Metz, le christianisme n’est pas fondamentalement une communauté argumentative et interprétative, mais narrative. Le récit procède à la médiation entre l’histoire du salut et l’histoire de la souffrance humaine.
Si la mémoire peut être dangereuse, le récit aussi. Le propre des régimes totalitaires n’est pas seulement de réprimer la mémoire, mais aussi toute expression littéraire, poétique et artistique qui ne coïncide pas avec l’idéologie dominante. Il faut écouter les victimes. Un véritable processus de réconciliation au Salvador pourrait être en partie que les assassins des Forces armées et des escadrons de la mort écoutent les récits des survivants et des familles des victimes, partageant de cette façon leurs souffrances. Ils pourraient alors demander pardon aux victimes et atteindre la réconciliation. L’Afrique du Sud a connu quelque chose de similaire, mais le Salvador en est encore très loin.
À l'image du sacrement de la réconciliation
Il ne peut y avoir de pardon et de réconciliation tant que la vérité n’a pas été mise à jour et que justice n’a pas été faite dans le domaine juridique. Les trois étapes de la vérité, de la justice et du pardon correspondent à la structure du sacrement de la réconciliation: il faut d’abord confesser nos péchés et nos fautes, ensuite, il faut se repentir, réparer, dans la mesure du possible, les torts causés et demander pardon; et seulement alors, comme troisième étape, peut-on recevoir le pardon pour nos péchés. Il ne s’agit pas là d’une contradiction de la gratuité de la grâce. S’il est certain que la grâce est gratuite, elle n’en coûte pas moins cher. Ainsi, Jon Sobrino distingue clairement entre la réconciliation bon marché et la réconciliation chère.
L’une des innovations que la théologie de la libération a introduites dans la doctrine universelle de l’Église, c’est le concept et la réalité du péché social et structurel.
Mgr Romero le décrivait dans sa seconde lettre pastorale comme «la cristallisation des égoïsmes individuels en structures permanentes qui perpétuent ces péchés et font peser leur pouvoir sur les grandes majorités».
Pour Mgr Romero, le péché structurel est intimement lié aux idoles. Les idoles sont des réalités historiques qui se font passer pour des divinités. Dans ses homélies, Romero a parlé à maintes reprises des idoles modernes: l’idole de la richesse, celle du pouvoir, de l’idéologie de la sécurité nationale; des réalités restreintes, qui s’imposaient avec un caractère d’absolu et auxquelles on sacrifiait des êtres humains. Aujourd’hui, à l’époque de la globalisation néolibérale, il faudrait actualiser ces idoles: l’idole du libre-marché, du bénéfice, des cotations en bourse. À ces idoles de la mort, Romero leur opposait le Dieu de la vie.
La vérité signifie s’attaquer aux idoles. Or il est dangereux de communiquer la vérité à propos de la réalité face à ces idoles. Jon Sobrino a formulé ceci en ces mots: «Les idoles cherchent à occulter leur véritable réalité de mort et, par nécessité, génèrent des mensonges pour se cacher. Le péché, toujours, cherche sa propre occultation et le scandale sa propre dissimulation. Dire la vérité devient alors le démasquement du mensonge, et cela n’est pas pardonné».
Pardon humain et pardon de Dieu: des distinctions
La tragédie et, en même temps, le salut de l’homme consistent en ce que ce dernier ne peut se pardonner à lui-même. Il doit recevoir le pardon comme un don libre. Le pardon et la réconciliation présentent la structure de la grâce, un don véritable et non mérité, qui change complètement la personne s’il est véritablement reçu. Nonobstant, la grâce ne nie pas la liberté humaine. En employant un jeu de mots en allemand: c’est Gabe und Aufgabe, un don et un devoir. C’est aussi valable pour le pardon et la réconciliation. Le pardon ne peut se recevoir que si on l’a demandé au préalable. Le salut n’est pas automatique, mais compte avec la liberté humaine.
Par là, nous en venons à la question la plus difficile de cette célébration du 2 novembre: est-il certain que nous devons imiter Jésus dans le pardon? Il faut faire une distinction entre le pardon de Dieu et le pardon des hommes. On ne peut déduire du pardon que Jésus demanda pour ses bourreaux à son Père que chaque chrétien doive offrir ce même pardon. On ne peut tout simplement pas comparer le pardon divin avec le pardon humain. Dieu se place du côté des victimes et veut que justice leur soit rendue. C’est pour cela que Jon Sobrino propose une distinction importante: Jésus exige du pécheur-oppresseur la conversion et la réparation, et du pécheur opprimé, il exige la foi en la bonté de Dieu.
Dans le cas des jésuites assassinés de l’UCA, Jon Sobrino insiste sur une autre distinction importante. Si les proches ont pardonné aux assassins, ils n’ont pas pardonné les structures qui produisent et continuent de produire des victimes innocentes. Ainsi, s'il faut pardonner au pécheur, le péché, lui, se doit d’être éradiqué. Éradiquer le péché est corrélatif à une forme structurelle de pardon et de réconciliation qui transforme la réalité.
Dans ce contexte, il convient aussi de clarifier la relation difficile entre justice et miséricorde. Cette dernière ne peut se substituer à la justice. Cependant, lorsque la miséricorde accompagne le souvenir, alors la vérité et la justice conduisent au pardon et à la réconciliation. L’histoire est percluse de péchés, mais aussi de grâce. Là où abonde le péché surabonde la grâce. Il s’agit d’une affirmation de foi difficile. Ainsi que saint Paul parle d’espérer contre toute espérance, il faudrait parler de pardonner contre tout pardon.
Le potentiel humanisateur des pauvres
Le péché ne doit pas simplement se voir pardonné selon la subjectivité du pécheur, mais être éradiqué de l’histoire. Afin d’éradiquer le péché, il faut l’assumer. Le pardon individuel transforme la personne et le pardon structurel transforme la réalité. Nous abordons ici l’idée centrale de la sotériologie historique d’Ignacio Ellacuría et Jon Sobrino. Le mystère de la Rédemption consiste en ce que le péché et l’injustice sont vaincus lorsqu’on les assume. Ce qui suppose s’incarner nécessairement dans le monde de l’injustice et du péché, avec tous les risques que cela implique.
La conférence épiscopale latino-américaine de Puebla de 1979 parlait du potentiel évangélisateur des pauvres et détaillait ce potentiel comme «les valeurs évangéliques de solidarité, service, simplicité et disponibilité pour accueillir le don de Dieu» (1147). Jon Sobrino a traduit cela en langage historique lorsqu’il dit que «les pauvres ont un potentiel humanisateur, car ils offrent une communauté contre l’individualisme, serviabilité contre l’égoïsme, simplicité contre l’opulence et ouverture à la transcendance contre le positivisme émoussé».
Ceci nous amène au centre de ces réflexions que Jon Sobrino explicite de la façon suivante: «Le peuple crucifié est ouvert au pardon de ses oppresseurs, il ne veut pas l’emporter sur eux, mais partager avec eux et leur offrir un avenir. Ceux qui les approchent pour les aider, ils leur ouvrent les bras, les acceptent et, ainsi, même sans le savoir, leur pardonnent... Et de cette manière, en outre, introduisent-ils dans le monde oppresseur cette réalité qui humanise tant, et qui manque cruellement en ce monde, qu’est la grâce; réussir à devenir non seulement pour ce qu’on achève, mais aussi pour ce qu’on se voit concédé de manière inespérée, non méritée et gratuite».
Une expériences des plus gratifiantes
Je peux affirmer que j’ai vécu cette expérience pendant mon séjour à la paroisse de Jayaque, où jadis le Père Ignacio Martín-Baró, l’un des jésuites assassinés, avait été paroissien les fins de semaine. Marcher parmi les communautés de Jayaque, au milieu des menaces et des espérances, fut l’une des expériences les plus gratifiantes de ma vie. Nonobstant, on ne doit pas tomber dans la tentation d’idéaliser les pauvres. Le mystère du mal se trouve aussi parmi eux. Je ne cherche ici qu’à mentionner les multiples formes de violence et de délinquance, l’alcoolisme, le machisme, etc. Cependant, il existe bien sûr parmi eux un potentiel humain et d’humanisation exceptionnel.
Avec leurs souffrances et leur disposition au pardon et à la réconciliation, «les peuples crucifiés» posent aussi un défi aux pays riches, le soi-disant Premier Monde. La tragédie du Tiers-Monde devrait suffire en soi à générer cette conscience du péché, mais si elle n’y arrive guère et si même le pardon offert par les peuples crucifiés n’y parvient pas, alors on peut se demander ce qui pourra convertir le Premier Monde. Peut-être n’est-il plus si pertinent de parler de premier et de tiers-monde. Il existe aussi un «premier monde» dans les pays pauvres et un «tiers-monde» d’immigrants et de pauvres dans les villes du premier monde. Par contre, on ne se trompe pas lorsque l’on parle du scandale de notre monde qui continue de produire des victimes.
Ma propre expérience me montre que Dieu se fait présent de manière spéciale chez les pauvres, tant dans les prisons allemandes que dans les campagnes salvadoriennes. L’expérience de la grâce est celle de recevoir plus que ce que l’on peut donner, de recevoir plus que ce que l’on pense mériter. Longtemps, je me suis méfié des homélies sur la foi, la charité et l’espérance. C’était pour moi des catégories trop idéales et génériques. En prenant congé des communautés de Jayaque en 1991, je n’eus d’autre remède que de prêcher sur la foi, la charité et l’espérance. C’était là ce que j’avais reçu d’eux. Pour reprendre les termes théologiques de Jon Sobrino: les peuples crucifiés offrent lumière et salut. «Gracié et libéré par les peuples crucifiés, le premier monde pourra rentrer en grâce et libération pour eux. Et alors pourra-t-on “célébrer” quelque chose: la solidarité des êtres humains, l’entente mutuelle, la fraternité universelle.»
La démonstration des martyrs
Pour conclure, j’aimerais effectuer le rapprochement de ce qui précède avec les martyrs. Les martyrs démontrent que le péché et la mort sont des faits incontestables de ce monde. Ils sont lumière en ce sens qu’ils révèlent la vérité de ce monde, qui est un monde de victimes. Cependant, ils démontrent aussi que la grâce, le pardon, la réconciliation et la résurrection sont une réalité historique. Les martyrs appellent à la conversion et à la réconciliation. Ils évangélisent. De même indiquent-ils que le pardon et la réconciliation représentent une alternative à la logique dominante de la violence et de l’injustice. Finalement, ils montrent qu’il est possible de vivre et mourir en ce monde en tant qu’être humain à la suite de Jésus. Ils ouvrent «un espace pour l’espérance, pour continuer à rêver et à construire une société plus juste, plus humaine et plus équitable».
Traduction: Jean-Noël Pappens
Cet article a paru en version originale en 2019 dans la revue espagnole Manresa
Pour approfondir la question "Mémoire et histoire", voir notre dossier L’Histoire sous le prisme de la mémoire, in choisir n°698.