«Porté par de nombreux débats actuels, le thème de cette année, Invisibles, gagne à être placé dans une perspective temporelle plus large à même de révéler les hiérarchies, assumées ou implicites, qui conditionnent les rapports humains et l’écriture de l’histoire», déclarent ses organisateurs. Comment saisir la relégation des femmes? En quoi la langue peut-elle exclure? Comment faire le récit de vie d’individus dont les archives ne conservent guère de traces? Qu’exprime la volonté de disparaître, voire la stratégie d’effacement? Voici quelques-unes des questions qu'explorera cette 7e édition du Festival Histoire et Cité. Les politiques mémorielles mettent en évidence certains événements au détriment d’autres. Une table ronde interrogera les enjeux qui sous-tendent la nomination des lieux, vendredi 1er avril, en partenariat avec la chaire UNESCO en toponymie inclusive.
S’inscrivant dans la réflexion actuelle autour des lieux de mémoire, choisir a publié dans son édition n°698 (janvier 2021) un dossier intitulé: «L’histoire sous le prisme de la mémoire». Lire à ce sujet Déboulonnage ou contextualisation? une interview de Sébastien Farré, directeur exécutif de la Maison de l’histoire de Genève, et de Yan Schubert, chercheur spécialisé sur les questions mémorielles.
«Rendre visibles et faire l’histoire des «sans-histoires», des opprimé·e·s, des exclu·e·s suppose un renversement de perspective, un changement de paradigme», explique la Maison de l’Histoire de l’UNIGE. À l’échelle du XXe siècle, les femmes, les enfants, les précaires, les migrant·e·s ont été largement tenus à l’écart des principales études historiques. Mais des peuples entiers figurent aussi dans nos «oubliés». Que savons-nous des Indien·ne·s d’Amérique, dont la dénomination correspond au regard de Christophe Colomb qui était convaincu d’avoir rejoint les Indes en débarquant outre-Atlantique? Et des barbares, terme désignant pour les Romains tous les peuples installés en dehors des frontières de l’Empire? La transmission et la conservation des traces du passé reposent, entre autres, sur un travail de l’ombre des copistes, des éditeurs·trices et des archivistes. Leur pérennisation ou leur disparation résulte de rapports de force sans cesse remaniés. En contexte de guerre, l’anéantissement physique de l’adversaire est souvent associé à une éradication des traces documentaires.
La volonté d’effacer la mémoire, de reléguer autrui aux oubliettes évoque certains massacres «silencieux» et les disparitions forcées qui s’accompagnent de la destruction ou de la dissimulation planifiée des corps. Ainsi, dès la fin des années 1970, la lutte contre l’oubli et pour la dignité a été au cœur de la mobilisation des Mères de la Plaza de Mayo à Buenos Aires, afin de dénoncer les exécutions secrètes menées par la dictature argentine. Ainsi l’édification en Espagne, à 50 kilomètres de Madrid, du mausolée du Valle de los Caídos, voulue par le Général Franco pour honorer «tous ceux qui sont tombés sur le chemin de Dieu et de la Patrie», a-t-elle été largement dénoncée. «Au flot des dépouilles mortelles arbitrairement transférées depuis les cimetières vers Cuelgamuros entre 1959 et 1983, se sont ajoutées les milliers de corps de "républicains" prélevés pour la plupart dans les fosses communes de la guerre, sans souci d’identification ni de recherche des proches», écrivait dans nos pages l’historien Thierry Maurice, collaborateur scientifique à la Maison de l’histoire de Genève (Le Valle de los Caídos ou l’ombre du franquisme, in choisir n° 698).
Tout le programme de cette 7e édition de Histoire et Cité ici.
Les maladies invisibles: table ronde en partenariat avec choisir
samedi 2 avril 2022 / 14h00 - 15h30 / Genève, Uni Dufour, salle U300
Parce que les souffrances qu’elles causent sont invisibles, parce qu’elles touchent une minorité de personnes ou parce qu’elles sont socialement ignorées, des maladies s’avèrent négligées. Pourquoi et dans quelles circonstances certaines pathologies occupent-elles le devant de la scène au détriment d’autres? Comment les personnes concernées luttent-elles pour obtenir des avancées thérapeutiques et un meilleur accès aux soins? Comment vit-on au quotidien lorsque l’on souffre d’un mal occulté mais pourtant bien réel?
Intervenant·e·s: Stéphanie Dagron, Tamara Pellegrini, Alexandre Wenger
Modération: Isabelle Moncada
Retrouvez
• l’interview de Tamara Pellegrini par Lucienne Bittar dans l’édition n°703 de choisir: Commande:
• les podcast de Tamara Les invisibles