bandeau art philo
vendredi, 03 mai 2013 12:15

Margin Call, de J.C. Chandor, à voir à la TV

Diffusé sur Canal+ et Canal+ Cinéma du samedi 4 mai au dimanche 12 mai : horaire des diffusions

Margin Call est un film indépendant américain, le premier long-métrage d’un dénommé J.C. Chandor. Avec un budget de 3 millions de dollars, il lui a fallu déjà payer Kevin Spacey, Jeremy Irons, Demi Moore et Simon Baker (The Mentalist) ! Tournage en trois semaines. Unités de lieu et de temps : tout se passe pratiquement dans les bureaux d’une grande banque d’affaires new yorkaise, la veille et le jour du krach de septembre 2008 qui a déclenché la crise des subprimes, lorsque ont été soldées, à coups de faillites brutales, les spéculations folles sur la titrisation de prêts hypothécaires à risque.

Quasiment un quart de siècle est passé depuis le Wall Street d’Oliver Stone, et avec ses moyens limités, Margin Call gagne en sobriété et en justesse : on est dans un constat plus froid, en phase avec la conscience qu’a notre époque des délires qui affectent la finance de marché. Et tous les comédiens sont excellents, y compris les moins connus Zacharie Quinto et Paul Bettany.

Comme Miss Bala, Margin Call est une incursion dans un monde opaque, régi par un pouvoir nuisible à l’ensemble de la société. Ici ce sont les requins de la finance, une espèce au sang froid qui survit à tous les cyclones. Mais contrairement à Naranjo, Chandor ne nous greffe pas aux victimes ; il nous jette au milieu des « opérateurs de marché », 36 heures dans la tour d’une banque d’affaires dont les derniers étages surplombent la ville gratte-ciel.

Enfermé avec les personnages dans leur bulle, on a du mal à ressentir ce qui est en jeu, à appréhender la réalité des répercussions tragiques de leurs actes. L’éclatement de la bulle ? On comprend que les sommes en jeu sont astronomiques ; que des spéculateurs vont perdre de l’argent ; qu’un grand nombre de traders de la société vont perdre leur emploi et se retrouver grillés dans la profession… mais vu les montants de leurs revenus passés et de leurs primes de départ, on a du mal à les plaindre et à craindre pour leur sort. Les ressorts de la tragédie ne fonctionnent pas.

Mais peu importe : Margin Call nous fait partager le vécu, à un moment critique, de gens qui jusqu’alors, derrière des noms comme Lehman Brothers, ne représentaient dans nos esprits qu’une masse informe et confuse. Quand Chandor décrit un milieu, c’est bien documenté (son père a travaillé 40 ans chez Merrill Lynch), sobre (pas de cliché appuyé), et cinématographiquement efficace.

Lu 1857 fois