Alors qu’une étude récente de l’Ifop a montré qu’en France, une personne sur deux ne croit plus en Dieu (contre une sur trois en 1947), j’ai été heureux d’apprendre, dans le dossier de presse, que «le nombre de fidèles pratiquant le pèlerinage ne cesse d’augmenter depuis les années 1980: alors qu’ils étaient environ 2,5 millions en 1982, ce nombre a plus que doublé en 40 ans. Ce pèlerinage détient aussi une particularité: les pèlerins descendent les 400 mètres reliant l’esplanade à la chapelle, sur les genoux.»
Il est difficile de critiquer un film qui raconte un évènement aussi extraordinaire, aussi providentiel. J’espère que Fatima rencontrera un large public et qu’il fera découvrir cette histoire singulière à de nombreux spectateurs. Ceci dit, la réussite artistique d’un film relève toujours du miracle et pour Fatima, ce miracle n’a, selon moi, pas eu lieu.
Histoire familiale
Le film se focalise sur les épreuves que Lucia et sa famille ont subies: incompréhension, accusations de mensonges, interrogatoires, invasions de foules assoiffées de miracles, etc. Et alors qu’il dure près de deux heures, il fait bizarrement l’impasse sur certains faits qui concernent pourtant directement cet angle d’approche: notamment l’incarcération par le maire des trois enfants, son acharnement à leur soutirer la rétractation de leurs témoignages contre un bon repas, puis par des menaces de mort violente et immédiate. C’est que le scénario se perd dans des inventions malheureuses, comme l’absence du frère de Lucia pendant les évènements, supposé être sur le front (alors qu’il n’en était rien en réalité), et les angoisses que son sort incertain suscite chez sa mère. Justifié par une volonté de «placer fermement le climat politique contemporain dans l’expérience locale et émotionnelle», ce choix est un des défauts de la facture par trop calibrée de cette production américano-portugaise. De plus, si beaucoup de moyens ont été déployés pour reconstituer au Portugal cette histoire édifiante, l’effet d’authenticité est totalement gâché par la langue anglaise.
Fatima est le troisième long-métrage de l’Italien Marco Pontecorvo, dont on sent qu’il est plus un directeur de la photo qu’un metteur en scène. À part Marco d’Almeida qui incarne le père, et les petits qui jouent Francisco et Jacinta, l’interprétation de la plupart des comédiens est raide. Le contraste est d’ailleurs flagrant entre le jeu empesé de l’actrice brésilienne Sônia Braga et l’aisance et la fluidité de Harvey Keitel (1).
Son personnage (dont l’existence n’est là encore que fonctionnelle) remarque d’ailleurs que dans leurs apparitions, les êtres surnaturels s’adaptent aux voyants et à leur culture. Pour lui, c’est un signe que ces expériences sont des élucubrations plus ou moins conscientes. Alors qu’au fond cela correspond parfaitement à la réalité de l’Alliance proposée par le Dieu Trinitaire: une relation personnelle, un dialogue d’amour, pas une propagande de masse. L’effusion du Saint-Esprit sur les apôtres a d’ailleurs le même effet: «Comment se fait-il donc que nous les entendions chacun dans notre propre langue, notre langue maternelle?» s’étonne la foule à la Pentecôte (2). C’est pourquoi la représentation des êtres surnaturels au cinéma, médium de masse par excellence, est toujours déficiente. Joana Ribeiro, qui joue la Sainte Vierge, est très jolie, mais elle ne va pas toucher chacun comme le ferait sûrement Marie.
Sur le même sujet, et distribué par la même société (Saje Distribution), j’avais adoré Le 13e Jour, un film en noir et blanc réalisé par deux frères anglais en 2009; une véritable pépite cinématographique disponible ici.
Actuellement en salle en France, notamment à Lyon, Bourg-en-Bresse, Chambéry, Grenoble ou bien encore Paris.
Trouver une salle de projection de Fatima en France ici.
1. Mean Streets, Taxi Driver, Thelma et Louise, Pulp Fiction, La Leçon de piano, Bad Lieutenant…
2. Actes des Apôtres, 2, 8.