Comment trouver des moyens de proposer le trésor de la foi dans notre société complexe, mouvante et indécise, en « équilibre critique » ? Comment faire retentir le paradoxe du croire chrétien, selon lequel le soi devient véritablement lui-même lorsqu'il se découvre voué aux autres, à la suite du Christ amour ? Le volumineux ouvrage de Denis Villepelet, maître de conférences à l'Institut supérieur de pastorale catéchétique de Paris et bien connu des agents pastoraux de Suisse romande, tente d'y répondre à travers la notion de paradigme (ou modèle) empruntée aux sciences sociologiques (T.S. Kuhn) et épistémologiques (E. Morin).
En dégageant trois paradigmes de la pratique catéchétique, l'auteur vise à donner des repères aux acteurs de la transmission de la foi, pour qu'ils s'y retrouvent au milieu de la foisonnante diversité des formes actuelles de la catéchèse. Dans ce travail de modélisation, en va-et-vient constant entre les pratiques concrètes et l'effort de théorisation (selon la méthodologie dite de recherche - action), D. Villepelet se réclame notamment du travail réflexif du philosophe Paul Ricoeur. Si la catéchèse est cette « praxis communicationnelle » par laquelle la Parole de Dieu s'adresse à tous les êtres pour les engendrer à sa vie, comment s'articulent en elle le pôle anthropologique de l'adhésion de foi (la fides qua) et le pôle kérygmatique de l'autorévélation de Dieu en son Fils ressuscité (la fides quae) ? Comment s'agencent en chaque modèle les divers champs constitutifs de tout acte de communication de l'Evangile : anthropologique, catéchétique, ecclésial, pédagogique et socioculturel ?
L'auteur présente trois paradigmes qui ne s'opposent ni ne s'éliminent mutuellement, même si sa préférence va au troisième comme étant le plus apte à répondre aux requêtes contemporaines. Le premier conçoit la Révélation comme un corps de vérités à transmettre selon une pédagogie de l'enseignement (ethos traditionnaire). Le deuxième voit la Révélation comme un message que la foi débutante s'approprie pour devenir progressivement adulte, par une pédagogie d'apprentissage (ethos évolutionnaire). Le troisième envisage la proposition de la foi comme une médiation plongeant les catéchisés dans un bain de vie chrétienne, communautaire et liturgique, en une pédagogie d'initiation permanente et mystagogique[1] (ethos contemporanéiste).
Il faut bien reconnaître avec D. Villepelet que la catéchèse est plutôt demeurée « du côté de l'intelligence de la foi sans permettre une adhésion et une conversion de l'intériorité ». La mise en oeuvre du troisième modèle d'initiation, préconisé d'ailleurs par le Texte national pour l'orientation de la catéchèse en France, aide à concevoir la catéchèse comme un incessant appel (kérygmatique) et approfondissement (apologétique), qui passe nécessairement par l'expérience (anthropologique) de l'immersion dans la Parole, la liturgie, le service et la communion fraternelle.