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vendredi, 31 décembre 2021 09:43

Le diaconat. Un ministère menacé?

TyrolJacques Tyrol
Le diaconat. Un ministère menacé?
Paris, Salvator 2021, 216 p.

Cela fait bientôt 60 ans que le concile Vatican II a rétabli le diaconat permanent pour l’Église universelle (1964). Pourtant, comme le montre l’ouvrage pertinent de Jacques Tyrol, journaliste devenu psychologue clinicien dans un centre médico-psychologique et diacre permanent du diocèse de Lyon, ce ministère se cherche encore entre les tenants d’une orientation plutôt ad intra (service d’abord de la liturgie et de la communauté chrétienne) ou résolument ad extra (diaconie du et dans le monde).

Vu la diminution drastique du nombre de prêtres, la tendance risque d’aller de plus en plus vers la paroissialisation du diaconat, en favorisant la figure des « diacres-lévites » comme vicaires des curés, au détriment des «diacres-prophètes», soucieux de justice sociale structurelle, et des «diacres-samaritains» en prise directe avec les pauvres. À la suite de l’auteur de cette dernière typologie, le théologien belge Alphonse Borras (Le diaconat au risque de sa nouveauté, 2007), la thèse du livre peut se résumer ainsi: si la cléricalisation du diaconat permanent se poursuit, sa spécificité apparaîtra toujours davantage en danger, son existence même sera de plus en plus mise en cause et l’Église, que le pape François souhaite en sortie et décentrée d’elle-même, connaîtra un nouveau repli identitaire.

Pour vérifier son hypothèse, l’auteur a sollicité le témoignage de trente-six diacres permanents français, avec les membres de leurs familles, leurs amis et leurs collègues de travail, autour des notions de leur appel, de leurs références théologiques et spirituelles, de leur recherche d’équilibre entre prière et action, de leurs relations avec une Église aimée et parfois inquiétante dans la période de crise actuelle.

La préférence de Tyrol va nettement aux diacres signes d’une Église en tenue de service auprès des plus fragiles et des plus démunis, déjà dans le choix de ses interviewés. À travers les portraits des diacres engagés auprès des affamés, des étrangers, des malades, des prisonniers, fondateurs d’associations ou discrets témoins, se dégage une image d’un ministère très incarné dans la réalité contemporaine «fluide et postmoderne». C’est celle-là qui correspond le mieux à l’intuition de Vatican II et aux vœux du pontife argentin pour une Église «accidentée, blessée et sale pour être sortie sur les chemins, plutôt qu’une Église malade de son enfermement et qui s’accroche confortablement à ses propres sécurités» (Evangelii gaudium, n° 29).

Cette option préférentielle pour la diaconie du monde n’exclut pas l’équilibre que trouvent certains avec le service de la Parole et des sacrements : les diacres sont invités à être les rappels vivants de ce service des petits, auxquels absolument tous les disciples missionnaires sont conviés du fait de leur baptême. Mais si sa «sacristanisation» s’intensifie, le ministère diaconal risque de mourir, et l’Église en serait appauvrie. Tel est le cri lancé par cet ouvrage nécessaire pour l’ensemble du corps ecclésial.

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