La professeure de théologie pratique à Genève développe ainsi une perspective théologique de la bénédiction qui évite autant la perte de signification que l’exigence d’effets visibles, telle qu’elle peut apparaître dans la mouvance pentecôtiste. La bénédiction n’est pas de l’ordre de la superstition magique. Elle a du sens si elle fait sortir les bénéficiaires de leur bulle égocentrique, les ouvre à l’Autre qui les accompagne et les oriente vers leurs responsabilités «d’être des bénédictions» au cœur du monde, à l’exemple d’Abraham dans la Genèse. Ainsi l’auteure rompt elle une lance contre la théologie de la prospérité et contre les risques de consommation de sensations, voire de manipulation émotionnelle: la réussite matérielle et sociale (wealth) n’est pas nécessairement l’aune à laquelle l’efficacité d’une bénédiction doit être calculée.
Un des autres intérêts de l’ouvrage est de proposer de prometteuses ouvertures œcuméniques, notamment autour des demandes de guérison, de délivrance et de gestes comme l’imposition des mains et l’onction d’huile. À cet égard, l’auteure évalue positivement les documents catholiques (Le livre des bénédictions, 1988; les critères christologiques pour les «prières de guérison», 2000; et le sobre itinéraire Protection – Délivrance – Guérison, 2017).
Élisabeth Parmentier plaide pour une revalorisation réformée de la corporéité et des médiations (paroles et gestes), afin de signifier le compagnonnage de Dieu: sur les époux dans leur fragilité; sur les couples de même sexe (déjà mariés civilement), dans la vision protestante; à l’occasion d’un divorce, pour favoriser le relèvement des personnes en souffrance de rupture; lors d’un deuil, pour sortir la foi de la solitude. C’est sur le registre du non-accomplissement que le «soupirail d’espérance» (Baudelaire) constitué par la bénédiction nous ouvre un morceau de ciel infini.
Avec son style limpide et souvent poétique, Élisabeth Parmentier transforme ainsi un sujet au premier abord marginal en une offre pertinente pour tou(te)s, y compris ceux et celles qui évoluent dans l’indifférence à l’égard de la foi chrétienne. Son plaidoyer pour une «conspiration de bénédiction» face à la douleur du monde peut servir de pont œcuménique entre les confessions, soit au sein même des Églises réformées (historiques et évangéliques), soit avec les catholiques et les orthodoxes.