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jeudi, 06 décembre 2012 14:25

Charismatiques. Critères de discernement

sans couverture 1

Conférence des évêques de France, Les nouveaux courants charismatiques. Approches, discernement, perspectives, Paris, Bayard/Cerf/Fleurus/Mame 2010, 192 p.

Depuis la « bénédiction du Père » dite de Toronto (1994),[1] le Renouveau charismatique catholique (RCC) est entré dans une nouvelle phase, dénommée Troisième vague ou Mouvement de la gloire. Elle se caractérise notamment par de grands rassemblements, souvent interconfessionnels et marqués par une grande part d’émotionnel, dont les échos sont fort contrastés : soit un enthousiasme devant les grâces reçues, soit un vif scepticisme face à certains phénomènes curieux (rires prolongés, secousses corporelles, com­­portements simulant des animaux, pluie de paillettes dorées, repos collectif dans l’Esprit…).

Pour exercer sa fonction de vigilance, la Conférence épiscopale française a mandaté un groupe interdisciplinaire d’ex­perts, dont ce livre présente le résultat du travail. Les critères de discernement que l’ouvrage propose valent évidemment au-delà de l’Hexa­gone et concernent l’ensemble de l’évolution récente des communautés nouvelles et des groupes de prière inscrits dans la mouvance du RCC.

Dirigé par le prêtre de l’Institut de Notre-Dame de Vie, Père François-Régis Wilhélem, le livre aborde de manière à la fois bienveillante et critique les précédents historiques de ces rassemblements (B. de Peyrous) et leur fonctionnement concret : rôles des prédicateurs et de l’animation, place de la Parole de Dieu, rapport entre l’annonce kérygmatique et les « signes » pouvant l’accompagner, interconne­xions confessionnelles par-delà les frontières des Eglises (P. Chieux), place des émotions musicales et chorégraphiques entre risque de manipulation et ouverture à un authentique dialogue d’amour avec le Seigneur (P. Benoît).

Prudence et repères

Il établit un certain nombre de repères à l’égard des groupes actuels du RCC, par exemple lors de leur accueil dans les sanctuaires (B. Gournay). Les diverses contributions portent une attention particulière à l’équilibre de la foi et des pratiques, comme à l’articulation foi et raison, à la complémentarité des charis­mes, en particulier prophétique et pastoral, aux questions de l’« effusion de l’Esprit », du « repos dans l’Esprit » et des guérisons, à la signification de

« l’ex­périence de Dieu », à la maturation de la foi des nouveaux convertis et à leur intégration dans l’Eglise du Christ.

Pour ce faire, le groupe d’accompagnement du RCC a recouru tant à des critères bibliques - à travers la manière dont les charismes étaient vécus au service de l’unité, du bien de tous et de la charité dans les communautés pauliniennes (P. J.-M. Verlinde) - qu’à des repères théologiques issus de la gran­de tradition spirituelle, - notamment carmélitaine (Jean de la Croix et le Père Marie-Eugène de l’Enfant Jésus).

Le Père Wilhélem montre ainsi qu’il ne faut pas confondre « vie mystique » promise à tous et « expériences mystiques extraor­dinaires ». Dieu conduit chacun, progressivement, selon ses besoins, des phénomènes plus extérieurs et palpables vers les réalités plus intérieures, spirituelles et élevées.

Le livre se termine par une Note pastorale des évêques (J. Boishu, F.-X. Loizeau et G. Gaucher) concernant la préparation et l’animation des rassemblements d’évangélisation, en vue de la « pleine maturité ecclésiale » déjà re­qui­se par Jean Paul II lors du premier congrès à Rome des mouvements et communautés nouvelles, à Pentecôte 1998.

 

L’Eglise interpellée

Malgré les dérapages signalés et les inévitables crises de croissance traversées, les fruits portés par les courants charismatiques interpellent indéniablement l’ensemble de l’Eglise catholique. Ils incitent à :[2]

• faire de toutes les communautés chrétiennes des « écoles de

priè­re », de communion vécue, de té­moi­gnage et de mission, ainsi que le souhaite la lettre apostolique de Jean Paul II, Au début du nouveau millénaire (2001) ;

• dans le cadre de la nouvelle évangélisation, faire place à un « christianisme de conversion » et de

« première annonce », susceptible de toucher les jeunes générations ;

• redonner à la guérison physique et spirituelle son rôle dans la proclamation du salut ;

• offrir des espaces où vivre l’expérience de l’Esprit, ses dons et ses charismes, pour pouvoir ainsi ré­pondre à la soif spirituelle de nos contemporains selon la sainteté à laquelle tous les hommes sont appelés ;

• pratiquer un œcuménisme spirituel et pragmatique par des initiatives communes d’évangélisation en une collaboration qui constitue « une épi­phanie du Christ lui-même ».[3]

Ce livre est très accessible. Il est destiné à ceux qui s’intéressent à l’évolution du Renouveau et prônent une meilleure diffusion d’une formation spirituelle dans le cadre de la pastorale ordinaire.

 

1 • On fixe l’origine du Renouveau charismatique aux manifestations spectaculaires, considérées comme un puissant mouvement nouveau de l’Esprit saint, qui bouleversèrent à partir de 1994 une communauté protestante évangélique de Toronto (Canada), la Toronto Airport Christian Fellowship. (n.d.l.r.)

2 • Cf. l’article bilan de F.-R. Wilhélem, « Quarante ans après, où en est le RCC ? ».

3 • Lettre encyclique de Jean Paul II, Ut unum sint (Que tous soient un), Rome, 25 mai 1995.

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