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vendredi, 01 mars 2013 10:02

Loyola, Ricci, Clavius & Cie

Écrit par

Euve etc 44328Mark Rotsaert,Les Exercices spirituels. Le secret des jésuites, 96 p.

Benoît Vermander, Les jésuites et la Chine. De Matteo Ricci à nos jours, 150 p.

François Euvé, Mathématiques, astronomie, biologie et soin des âmes. Les jésuites et les sciences, 150 p.

Trois ouvrages de la "Petite Bibliothèque jésuite", Lessius, Bruxelles 2012

Les ouvrages qui viennent de paraître dans la nouvelle Petite Bibliothèque jésuite satisferont la curiosité des lecteurs en quête d’informations fiables sur les jésuites. Ils sont les trois premiers petits livres d’une série destinée à former une sorte de modeste encyclopédie sur les jésuites. Les auteurs sont de bons connaisseurs de leur sujet.

Mark Rotsaert présente les Exercices spirituels, l’école par laquelle passe tout jésuite et où il acquiert la forme spécifique de la Compagnie. Spécialiste du renouveau spirituel dans l’Espagne des XVe et XVIe siècles, l’auteur commence par situer les Exercices spirituels parmi les mouvements religieux de l’époque. Si Ignace de Loyola a été marqué par certains courants de son temps, ses Exercices sont nés de sa propre expérience, d’où leur originalité.

Le livret des Exercices n’est pas un livre de lecture, mais un guide pour l’action qui propose une série de conseils en vue d’une expérience. Bien que la seule manière de les connaître soit de les pratiquer, Mark Rotsaert invite le lecteur curieux et pressé à s’en faire une idée, nécessairement un peu superficielle, en survolant leur parcours.

Suivant les cultures où ils s’inscrivent, leur interprétation et leur pratique ont bien évolué du XVIe siècle à nos jours et font l’objet d’un intéressant raccourci historique en fin de volume. Les diverses formes actuelles de proposer les Exercices y sont esquissées. Celui ou celle qui désire aller plus avant dans leur connaissance y trouvera peut-être une proposition à sa mesure.

Avec la Chine

Benoît Vermander, directeur de l’Institut Ricci à Taïwan et professeur à l’Université d’Etat Fudan à Shanghai, retrace l’épopée des jésuites en Chine, de ses débuts avec l’extraordinaire Matteo Ricci jusqu’à nos jours. Depuis François Xavier, mort aux portes de la Chine en 1552, les jésuites entretiennent des rapports privilégiés avec l’Empire du Milieu. Ils s’y inculturèrent comme peu d’autres, adoptant les coutumes locales, maîtrisant la langue, collaborant avec les scientifiques et les hauts fonctionnaires de la cour. Ils travaillèrent au calendrier qui régissait les relations entre le Ciel et la Terre, établirent des cartes de l’Empire, scrutèrent le ciel, enseignèrent les mathématiques euclidiennes.

A la suite de Ricci, des hommes comme les Pères Johann Schreck, Adam Schall von Bell, Ferdinand Verbiest ont eu leurs entrées dans la Cité interdite et ont occupé des postes de confiance dans les structures de l’Empire. Au cours des siècles, tantôt hommes de confiance de l’empereur, tantôt persécutés et martyrs, la présence et l’influence de la Compagnie subit les aléas de la politique de l’Empire et des querelles internes aux catholiques, comme la regrettable condamnation des rites chinois.

La Chine reste toujours une terre de prédilection pour la Compagnie, qui y a maintenu sa présence au-delà des persécutions et des expulsions. Entre 1842 et 1947, un total de 1576 jésuites ont travaillé en Chine. Français, Autrichiens, Allemands, Italiens, Espagnols, Portugais, Hongrois, Irlandais, Américains, Canadiens sont présents dans de nombreuses provinces, évangélisant ou animant les études chinoises. En 1949, ils étaient encore 930 en Chine.

Moins nombreux aujourd’hui, les jésuites sont à Macao, à Taïwan et sur le continent, engagés dans le travail intellectuel, l’action sociale, la spiritualité, animant le dialogue de plus en plus nécessaire entre la Chine et le monde occidental.

Avec les sciences

En se limitant à trois domaines, les mathématiques, l’astronomie et la biologie, François Euvé, qui est agrégé de physique et enseignant à Paris, réussit à présenter une passionnante synthèse des relations des jésuites avec les sciences, depuis les origines à nos jours.

Quasiment contemporaine du début de la science moderne, la Compagnie participe largement à la révolution scientifique. Si certains jésuites voient d’un œil trop critique ceux qui remettent en cause la vision aristotélicienne du monde, d’autres travaillent et enseignent dans la mouvance des découvertes de Copernic, Galilée, Kepler, Brahé, Newton et, plus tard, Darwin. Des théoriciens et des chercheurs jésuites se profilent dans toutes sortes de domaines scientifiques : les mathématiques, l’astrologie, la physique, la biologie, l’optique, la météorologie, le géomagnétisme, l’ethnologie, la paléontologie, etc.

Si Jules Michelet reproche aux jésuites de manquer de vrais « grands hommes », grâce à leur vaste réseau de collèges, ils exercent néanmoins une influence décisive sur la formation scientifique des élites. Ainsi au XVIIIe siècle, le quart des observatoires européens relève de la Compagnie.

Sans oublier les travaux scientifiques des jésuites qui ouvrirent les portes de la Chine, l’auteur dresse le portrait d’autres personnalités dont : Christoph Clavius, professeur de mathématiques au Collège Romain, un des concepteurs du nouveau calendrier et dont l’enseignement a influencé Galilée ; Athanase Kircher, adepte de la science totale, qui, en 1651, ouvre un premier musée à Rome réunissant toutes sortes d’objets en provenance du monde connu ; Roger Boscovich, authentique homme des Lumières, omniscient, qui pratique la physique et la météorologie et qui finira comme directeur de l’optique de la marine française ; Teilhard de Chardin qu’il n’est plus besoin de présenter.

Aujourd’hui encore, de nombreux savants jésuites sont actifs dans divers domaines des sciences exactes. Ce qui les caractérise : une grande confiance dans la raison humaine, une recherche et un enseignement sur fond de transcendance.

 

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