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mardi, 05 avril 2016 15:21

Le voile découvert

Yasmina Foehr-Janssens, Silvia Naef et Aline Schlaepfer (éd.), Voile, corps et pudeur. Approches historiques et anthropologiques, Genève, Labor et Fides 2015, 288 p.

Le port du voile suscite des débats passionnels. En France, en Belgique, dans certains cantons suisses,[1] des dirigeants politiques estiment que la présence sur leur territoire de femmes qui se couvrent la tête et le visage constitue un danger pour la société et que, par conséquent, ils doivent légiférer. Invoquant la laïcité, l’égalité des individus et des sexes, ils bricolent des lois qui interdisent la «couverture faciale» ; des lois qui, plus que de sanctionner les contrevenantes, amènent à incriminer «l’autre» comme fauteur de « choc de civilisations».


Les éditrices de Voile, corps et pudeur admettent que le voile, quelle qu’en soit la variante, témoigne d’une vision patriarcale de la société. Mais elles n’en restent pas là. Elles soumettent à un examen approfondi tant les raisons de son retour dans les pays musulmans et dans les diasporas, que celles du rejet dont il fait l’objet en Occident depuis une vingtaine d’années. Elles estiment indispensable que, « dans ce contexte politiquement et émotionnellement chargé », de nouvelles contributions au débat replacent la problématique dans son cadre anthropologique et historique, pour qu’on puisse dépasser la polémique et poser d’inédites questions.
Aussi donnent-elles la parole à une quinzaine de chercheurs - femmes et hommes, spécialistes des religions, philosophes, sociologues, anthropologues et historiens - qui nous dévoilent, par un voyage à travers les siècles autour du bassin méditerranéen et au Proche-Orient, les origines lointaines, bien antérieures à l’islam, du port du voile. Ce périple captivant nous fait découvrir comment les prescriptions vestimentaires émises par des instances politiques ou religieuses reflètent surtout l’image que celles-ci se font de la place des femmes dans la société.
Yasmina Foehr-Janssens, professeure de littérature médiévale et d’études genre, Sylvia Naef et Aline Schlaepfer, respectivement professeure et maître assistante à l’Unité d’arabe, avaient organisé, en 2013, le colloque Voile, corps féminin et pudeur, entre islam et Occident. Elles avaient alors fait venir à Genève Voile et dévoilement, l’exposition neuchâteloise consacrée à la longue histoire du voile.
La consultation du livre est facilitée par la structuration en trois parties thématiques : Voile et monothéismes, Corps, pratiques vestimentaires et traditions religieuses et Voile islamique et espace public en Europe. Elles sont suivies d’une quatrième partie en conclusion, où Elisabeth Reichen-Amsler, la commissaire de l’exposition Voile et dévoilement, traite la question du genre et des hiérarchies des sexes et exhorte à ce qu’au lieu de fabriquer des ségrégations, nous nous efforcions plutôt de comprendre l’autre et de rechercher ce que nous avons en commun avec lui.

[1] • Une initiative nationale contre la burqa vient aussi d’être lancée par le Comité d’Egerkingen. (n.d.l.r.)

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