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mardi, 05 avril 2016 02:00

De la poésie théâtre

Sylvoisal, Le spleen de Satan et Actéon, Vevey, Le Cadratin 2015, respectivement 68 p. et 30 p.

Le spleen de Satan est un savant mélange de deux genres, la poésie et le théâtre. Après D’Amour, de Mort et d’Infidélité en 2012, notre mystérieux poète reprend la forme du dialogue poétisé qu’il avait déjà employée pour donner son interprétation personnelle de la fin de Tristan et d’Yseult. La première page, avant la levée du rideau, fait penser au prologue du jongleur qui annonce au public « l’étrange histoire » qu’il chantera, celle des mortels et des dieux, celles de « l’âme à ses démons livrée. » Mais ce qui suit est plus proche du théâtre de Racine que d’une chanson de Geste. Des dialogues en alexandrins entre l’Ame, l’Ange et Satan, qui sont ici personnifiés, nous amènent au cœur même du mystère de l’homme qui est « Abel et Caïn issus du même père ».


Dans l’esprit de Sylvoisal, le combat entre le bien et le mal laisse une em­preinte ineffaçable sur l’âme humaine. « Vous deux qui dans mon cœur sans cesse bataillez... » dit l’Ame. Et Satan qui constate avec lucidité que « Jour et nuit, vie est mort, noir et blanc se repoussent / Et s’accouplent et tout s’allie à son contraire / Et la haine en amour peut changer son visage / Comme au ciel tout d’un coup on voit poindre l’orage. »
On retrouve ici un des leitmotivs de cette poésie inspirée de mystique médiévale, pour laquelle il ne fait pas l’ombre d’un doute que l’existence et l’action de Satan sont indispensables à l’économie du Salut. En combattant le Mal, l’homme chrétien combat une partie de lui-même. C’est cela que résume Satan quand il dit en s’adressant à l’Ame : « Tes saints ont éprouvé la force de mon bras / Et tous ont succombé à mes tentations / Aucun n’a refusé de mordre à l’hameçon. »

Actéon
Actéon s’inscrit dans l’autre versant de l’univers du poète. Tandis que Le spleen de Satan est d’inspiration chrétienne, son dernier recueil, paru l’automne dernier, puise dans la mythologique grecque. Le héros éponyme épiait Artémis, divinité grecque de la chasse, pendant qu’elle se baignait dans la forêt. Insensible à l’amour, Artémis, protectrice de la chasteté, se vouait à la virginité. Mais elle était aussi redoutée pour ses châtiments. La déesse offensée par Actéon le fit dé­chiqueter par ses propres chiens. Dans ces quatrains en décasyllabes, Actéon médite l’Amour pendant qu’il contemple Artémis dans la forêt où elle se repose : « Es-tu sagesse. Es-tu folie / Es-tu santé ou maladie / Mais qui de nous voudrait guérir / De ce haut mal qui fait mourir. »
Par contraste à l’amour chaste d’Actéon, le poème de la deuxième partie du recueil chante l’amour physique. C’est un chant féminin de la même veine que Chœur antique paru en 2014, qui a pour sujet le désir de l’homme vu par la femme.

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