Dans l’esprit de Sylvoisal, le combat entre le bien et le mal laisse une empreinte ineffaçable sur l’âme humaine. « Vous deux qui dans mon cœur sans cesse bataillez... » dit l’Ame. Et Satan qui constate avec lucidité que « Jour et nuit, vie est mort, noir et blanc se repoussent / Et s’accouplent et tout s’allie à son contraire / Et la haine en amour peut changer son visage / Comme au ciel tout d’un coup on voit poindre l’orage. »
On retrouve ici un des leitmotivs de cette poésie inspirée de mystique médiévale, pour laquelle il ne fait pas l’ombre d’un doute que l’existence et l’action de Satan sont indispensables à l’économie du Salut. En combattant le Mal, l’homme chrétien combat une partie de lui-même. C’est cela que résume Satan quand il dit en s’adressant à l’Ame : « Tes saints ont éprouvé la force de mon bras / Et tous ont succombé à mes tentations / Aucun n’a refusé de mordre à l’hameçon. »
Actéon
Actéon s’inscrit dans l’autre versant de l’univers du poète. Tandis que Le spleen de Satan est d’inspiration chrétienne, son dernier recueil, paru l’automne dernier, puise dans la mythologique grecque. Le héros éponyme épiait Artémis, divinité grecque de la chasse, pendant qu’elle se baignait dans la forêt. Insensible à l’amour, Artémis, protectrice de la chasteté, se vouait à la virginité. Mais elle était aussi redoutée pour ses châtiments. La déesse offensée par Actéon le fit déchiqueter par ses propres chiens. Dans ces quatrains en décasyllabes, Actéon médite l’Amour pendant qu’il contemple Artémis dans la forêt où elle se repose : « Es-tu sagesse. Es-tu folie / Es-tu santé ou maladie / Mais qui de nous voudrait guérir / De ce haut mal qui fait mourir. »
Par contraste à l’amour chaste d’Actéon, le poème de la deuxième partie du recueil chante l’amour physique. C’est un chant féminin de la même veine que Chœur antique paru en 2014, qui a pour sujet le désir de l’homme vu par la femme.