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mardi, 13 juin 2017 17:35

Les vertus sociales

Thomasset

Alain Thomasset
Les vertus sociales
Justice, solidarité, compassion, hospitalité, espérance
Namur, Éditions jésuites 2015, 348 p.

Dans cet ouvrage d’une densité et d’une documentation remarquables, l’auteur souligne les spécificités et les convergences de cinq vertus sociales, constituant autant de voies pour associer la relation verticale des hommes à Dieu et la relation horizontale entre eux. L’étude bénéficie d’une ample incursion dans l’approche anglo-saxonne, fruit d’une année sabbatique aux États-Unis.

La justice est une aspiration innée de chaque être humain, un droit que la société doit à tous. Ainsi « l’aumône ne saurait remplacer l’exercice de la justice », et le degré de « justice d’une société se mesure à la manière dont elle traite les pauvres et les personnes fragiles ». La problématique est aujourd’hui globale: «La recherche d’un monde plus juste passe aussi par la régulation de la mondialisation, notamment des marchés financiers». Et lorsque la loi tolère l’injustice, il y aura lieu, au nom d’«une moralité fondamentale capable de critiquer toute organisation sociale … [de] changer en profondeur les coutumes, les valeurs et les structures qui produisent ces injustices».

La solidarité, pour sa part, consigne les «devoirs de chacun vis-à-vis de tous» et est fondée sur l’interdépendance des humains dans «une sorte d’intérêt personnel bien compris». De plus, l’autre est mon frère car fils du même Père: «L’union des hommes entre eux est intimement liée à la relation à Dieu comme Père». L’ordre social doit veiller à ce que «les biens de la Création soient destinés à tous». Le superflu du riche appartient de droit aux pauvres.

Quant à la compassion, elle est une «réaction intime à la douleur de l’autre, comme un acte de souffrance avec l’autre» transcendant la cause de celle-ci. Élan de bienveillance -tout sauf de la faiblesse- fondé sur l’expérience de la vulnérabilité commune des êtres humains, elle s’attache à remédier à la détresse de l’autre, sans attente de réciprocité, ni égard pour ses origines ou qualités. Partie intégrante de la communauté chrétienne, personnelle et immédiate, la compassion ne saurait remplacer un engagement collectif fort.

La place nous manque pour détailler l’analyse de l’hospitalité et de l’espérance, mais l’ensemble est on ne peut plus actuel, devant l’individualisation croissante. Une société «ne fonctionne vraiment que si les citoyens ont le goût de vivre ensemble et le désir de viser un bien commun». Inversement, le lien social ne peut que se défaire « si les citoyens ne comprennent la vie sociale que comme un lieu de revendication (…) dans le cadre d’une économie abandonnée aux forces du marché». Et sur le plan spirituel, «le critère d’entrée dans le Royaume n’est pas le culte rendu à Dieu ou même la confession de foi, mais l’action juste». Ou pour le dire avec Jean Chrysostome (IVe siècle) : ton «frère est un temple plus précieux que celui que tu as construit pour Dieu».

 

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