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dimanche, 26 novembre 2017 00:08

Recension n° 686

L’apport de frère Roger à la pensée théologique 
Actes du colloque international 
Taizé, 31 août - 5 septembre 2015
Taizé, Taizé 2016, 314 p.

D’emblée Gottfried Hammann pose la question : Frère Roger avait-il une théologie ? Trois expériences de vie de Frère Roger permettent de comprendre le combat d’unité et de paix qu’il a mené et qui reste celui de Taizé. D’abord le combat pendant la guerre, ensuite celui pour l’unité de l’Église et enfin l’accueil des jeunes en quête de sens et de repères. Ces trois marques éclairent la vie et la pensée de Frère Roger.

Parmi les nombreuses autres contributions de ce colloque, mentionnons celle de Constantin Sigov, philosophe ukrainien. Il relève trois points : les blessures historiques à la confiance, à l’Ouest comme à l’Est de l’Europe, ensuite Taizé comme pari de la confiance à l’ère du soupçon, et enfin la perspective anthropologique de Frère Roger sur l’homme comme homo credens. La confiance est bien au cœur d’une anthropologie de l’avenir et elle n’est pas naïveté. Elle ne désengage pas ; au contraire, elle donne de se tenir debout, là où les sociétés sont ébranlées.

Frère Roger le rappelle : les frères souhaitent être pour les jeunes des hommes d’écoute et non des maîtres spirituels. Et dans la liturgie, le moment principal est le long silence : c’est une écoute silencieuse en commun, prière personnelle et acte communautaire. La prière silencieuse est un symbole de confiance.
La confiance ne peut être motivée par un calcul formalisé qui joindrait tous les bouts, dit encore C. Sigov. (Le calcul domine l’économie, mais ne protège pas contre l’instabilité et la crise mondiale.) Elle relève bien du pari. Les actes de confiance sont d’ailleurs une préparation nécessaire pour chacun des sacrements, le baptême d’abord, mais aussi la pénitence. Chanter ensemble dans des langues différentes manifeste cette pleine confiance. Le pari de Taizé est le chant nouveau de la confiance.

Pour conclure le colloque, Frère Aloïs, prieur de Taizé, souligne ces mots simples : nous pouvons apprendre les uns des autres. Nous avons besoin les uns des autres pour avancer, notamment en ce qui concerne l’eucharistie. Retrouvons-nous plus souvent pour prier ensemble, pour soutenir de prochaines étapes théologiques. Frère Roger donnait la priorité à la dimension vivante de la foi sur sa dimension conceptuelle, mais il a toujours recherché le dialogue avec des penseurs. Ces actes montrent le lien fort et indispensable entre la vie et la pensée, et à ce titre ils doivent retenir toute notre attention.
Jean-Daniel Farine

 

Juan Carlos Scannone
La théologie du peuple
Racines théologiques du pape François
Namur, Lessius 2017, 272 p.

La théologie du peuple vient combler un vide et se propose, comme l’énonce son auteur, le jésuite Juan Carlos Scannone, de satisfaire la « saine et intelligente curiosité du public français et francophone sur le nouveau pape ». Ce pape « du bout du monde », comme il s’est lui-même présenté, au langage simple et direct, déconcerte les Européens sécularisés car ses références et son style ne sont pas les leurs.

D’un point de vue spirituel et pastoral, la réflexion du pape François s’inscrit dans le courant de la théologie du peuple, peu connue des milieux francophones. Un des principaux représentants de cette théologie est précisément le jésuite Scannone, un ami personnel et de longue date du pape François. Ce mouvement de pensée s’est développé en Argentine. Il est proche de la théologie de la libération, plus connue outre-Atlantique. Ces deux écoles théologiques ont en commun, entre autres, la priorité pour les questions sociales et l’option préférentielle pour les pauvres.
Ce livre a le mérite de présenter de manière synthétique la pensée de l’auteur à partir de quelques écrits. Nous recommandons tout particulièrement son commentaire sur l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium (EG), premier texte signé par le pape François et « feuille de route », selon le théologien, de son pontificat.

L’analyse de Scannone aide à comprendre le langage imagé du pape dont le sens profond échappe à un aperçu superficiel. Par exemple, l’image du polyèdre, préférée à la sphère, en tant que modèle du Peuple de Dieu (et des peuples en général) correspond à une conception de l’unité qui n’implique pas l’uniformisation mais qui, au contraire, accueille et valorise les différences dans le cadre d’une « culture de la rencontre » que le pape appelle à favoriser au sein de l’Église. « Bien comprise la diversité culturelle ne menace pas l’unité de l’Église » (EG, §117).

Par ailleurs, Scannone insiste sur l’importance de la piété populaire, une des caractéristiques de la théologie du peuple qui revalorise cette forme de catholicisme, la qualifiant de « spiritualité populaire » et de « mystique populaire ». Il s’agit là d’une des priorités du pape qui étonne beaucoup en Europe. Les dévotions populaires ne constituent pas seulement une des forces vitales de l’Église mais forment aussi, fécondées par l’Esprit saint, une source de sagesse. « Une culture populaire évangélisée contient des valeurs de foi et de solidarité, qui peuvent provoquer le développement d’une société plus juste et croyante, et possède une sagesse propre » (EG §68).
Véronique Lecaros

 

Bernard Sesboüé
Introduction à la théologie
Histoire et intelligence du dogme,
Paris, Salvator 2017, 222 p.

 À celui qui s’intéresse à la théologie, le Père Sesboüé sj donne des informations passionnantes sur l’évolution de ces discours sur Dieu. Il étudie particulièrement la théologie dogmatique qui exprime le contenu de la foi. Le travail de la théologie est inépuisable, il doit être repris de siècle en siècle, en raison du mystère divin qui nous dépasse toujours et des questions nouvelles qui montent des différentes cultures humaines au cours de l’histoire. Ainsi les premiers énoncés dogmatiques sur l’humanité et la divinité du Christ ont pris forme au cours d’une succession de conciles comme ceux de Nicée, de Constantinople … Le contenu de cette théologie dogmatique concernant le Christ a évolué dès le Moyen Âge en se référant à l’Écriture.

L’auteur cherche à situer la théologie dogmatique à la lumière de son passé, avant de montrer ses grandes réalisations contemporaines et envisager son avenir.

Les premiers défenseurs du christianisme furent Justin, « philosophe et martyr », Tatien, Tertullien, Irénée de Lyon, reconnu comme « le père de la dogmatique chrétienne » et le premier grand adversaire de la gnose, combat mené ensuite par Clément d’Alexandrie et Origène. Basile de Césarée s’attela à montrer comment la foi chrétienne pouvait affirmer la Trinité sans tomber dans le polythéisme. Augustin enseigna à rendre « raison de sa foi » à la lumière de l’Écriture et de la Tradition. Avec la scolastique, dont Thomas resta le maî-tre, la théologie devint une « science » ; puis vint le temps de la Réforme, où la théologie s’intéressa particulièrement au rôle de l’Église.

Le Père Sesboüé cite ensuite de nombreux ouvrages apologétiques en réponse aux maîtres du soupçon (Marx, Nietzsche, Freud) et à la montée de l’athéisme aux XIXe et XXe siècles. Il fait aussi une large place aux grands auteurs de la dogmatique du siècle passé, Barth, Balthasar et Rahner.

La lecture de cet ouvrage n’est pas aisée, mais l’effort est largement récompensé car les connaissances de ce jésuite théologien renommé sont si étendues qu’elles nous permettent, avec bonheur, de revisiter les fondements de la théologie moderne et de nous intéresser avec lui au développement de l’œcuménisme.
Monique Desthieux

 

EGLISES

 

René Lafontaine
Martin Luther et Ignace de Loyola
Namur, Lessius 2017, 224 p.

 Professeur de théologie pendant quarante ans, auteur d’une thèse sur la christologie de Thomas d’Aquin, familier de la démarche ignatienne à laquelle il a consacré une imposante étude sur L’originalité des Exercices d’Ignace de Loyola, l’auteur se propose d’élucider la question essentielle : « Comment l’exégète de métier qu’est Luther a-t-il pu s’ouvrir ou rejeter la connaissance immédiatement mystique dont bénéficia Ignace de Loyola depuis ses visions du Cardoner ? Inversement, comment Ignace de Loyola fonde-t-il sa doctrine d’inspiration mystique en recourant lui aussi à l’autorité de l’Écriture sainte communément admise dans l’Église ? »

Pour y parvenir, le professeur émérite a largement puisé dans ses cours et le jésuite a scruté les textes fondateurs de son Ordre. Après avoir consacré les deux premiers chapitres de son livre à évoquer la doctrine de la justification à la lumière de la Déclaration commune d’Augsbourg (1999) et de l’enseignement du concile de Trente, l’auteur entre dans le vif du sujet.

Plus analytique que synthétique, le parcours auquel il invite son lecteur de-man-de une certaine endurance. L’érudition et la minutie de ses explications exigent de parcourir de longues pages avant de pouvoir percevoir « la connivence, l’irréductibilité et la complémentarité de la vie et des œuvres de Martin Luther et d’Ignace de Loyola ». Le passage de l’un à l’autre n’est pas toujours évident, et le chemin se complique au gré des pages sur la démarche philosophique d’Aristote, sur l’enseignement de Thomas d’Aquin et la solution thomiste, ou sur les propos de Feuerbach qui ne semblent guère se justifier, sinon pour évoquer les cours du professeur. D’où l’impression générale de se trouver en présence d’une belle masse d’informations académiques, mais d’un livre rédigé trop prestement, un peu confus et qui manque d’unité.

Les spécialistes seront intéressés à discuter certaines perspectives de l’auteur : le choix de l’illumination d’Ignace au Cardoner (Récit, n° 30) plutôt que la grâce d’être libéré de ses scrupules (Récit,
n° 25) comme expérience sœur du
Turmerlebnis de Luther, l’opposition entre la théologie de la croix de Luther et la théologie de la résurrection d’Ignace, la mise en parallèle entre l’application ignatienne des sens avec la foi luthérienne comme articulation de l’incorporation au mystère de l’Église, etc.

Comme dans de nombreux ouvrages, ici aussi Ignace de Loyola est parfois salué comme un champion de la Contre-Réforme, alors qu’il serait plus exact de le considérer comme un vrai réformateur se situant dans la ligne du courant de la Devotio moderna. Contrairement à Luther, Ignace ne s’en prend pas directement à l’institution ecclésiastique, préférant aider les personnes à réformer leur propre vie par la pratique des Exercices.
Pierre Emonet

 

Élisabeth Behr-Sigel
En marche vers l’unité
Point de vue d’une théologienne orthodoxe
Édition établie et préfacée par
Olga Lossky
Paris, Cerf 2017, 340 p.

 Les textes qui composent ce recueil ont été réunis par Olga Lossky, à qui l’on doit déjà une biographie d’Élisabeth Behr-Sigel. Ils constituent un complément précieux aux ouvrages de cette théologienne au parcours singulier, que l’on a appelée la grand-mère de l’orthodoxie d’Occident, et couvrent une vaste période (1932 - 2000).

Elle-même issue des milieux de l’émigration russe, Olga Lossky a regroupé en cinq grands chapitres ces textes de formes diverses, dans un ordre qui n’est pas strictement chronologique mais qui correspond plutôt aux grands thèmes qui ont marqué la pensée d’Élisabeth Behr-Sigel. Ainsi, au travers de méditations bibliques, de cours sur les théologiens de l’émigration russe et de conférences s’adressant tant à des milieux orthodoxes qu’à un public plus large, on retrouve les grandes questions qui se sont posées dans la rencontre de la communauté orthodoxe russe émigrée, après la révolution de 1917, avec l’Occident : l’unité de l’Église, l’héritage de la tradition patristique, la confrontation avec la culture, le rôle des laïcs et l’engagement chrétien dans le monde d’aujourd’hui.

Présent tout au long de ces écrits, l’enracinement dans les sources bibliques et patristiques est « le socle » à partir duquel ces questions sont abordées. S’interrogeant notamment sur l’actualité et la pertinence des Pères de l’Église pour la pensée d’aujourd’hui, sujet débattu par nombre de théologiens récents, elle montre qu’il ne s’agit ni de « liquider … l’héritage des Pères comme un bagage encombrant », ni de « respecter respectueusement des formules devenues vides ou opaques », mais de retrouver ce qui, à leur époque, leur a permis de parler à leurs contemporains dans le langage de leur culture. « Être fidèle aux Pères, écrit-elle, c’est retrouver leur inspiration créative pour évangéliser l’homme moderne, c’est tenter de déchiffrer les signes de notre temps. »

Des notes de cours sur des théologiens tels que Serge Boulgakov, Vladimir Lossky et Paul Evdokimov, dont elle fut proche, mises en forme par l’éditrice, rendent compte du renouveau de la recherche théologique au sein de l’orthodoxie.

Une série de textes réunis dans le chapitre intitulé Perspectives œcuméniques explorent l’histoire du Schisme de 1054, en éclairant le contexte historique et culturel, mais aussi les conséquences de cette rupture qui s’est creusée au cours des siècles. L’auteure souligne à cet égard que l’émergence d’une « orthodoxie occidentale » dans les communautés de la diaspora a ouvert la voie, au travers de rencontres œcuméniques, à des efforts visant à dépasser les antagonismes dans ce qu’elle nomme « l’impatiente patience ».

Elle qui fut luthérienne avant de découvrir l’orthodoxie analyse aussi diverses positions protestantes face à l’orthodoxie ; avec une grande netteté, elle abor--de en particulier le difficile problème de l’hospitalité eucharistique, qui se pose notamment dans des mouvements tels que l’ACAT, dont elle fut l’une des responsables pendant de nombreuses années. Elle invite les chrétiens à « tendre à une réconciliation authentique, non dans le clair-obscur d’un œcuménisme sentimental ou pragmatique, mais à la lumière de la charité qui trouve sa joie dans la vérité ».

Une question centrale, pour Élisabeth Behr-Sigel, celle de la place et du rôle des laïcs dans l’Église, a fait l’objet d’un cours où elle rappelle les vicissitudes du terme et de la notion de laïcat dans son rapport avec les ministères ordonnés. Insistant sur le « sacerdoce royal » de tous les baptisés, et donc sur l’éminente dignité et responsabilité des laïcs, elle mentionne certaines dérives, apparues au cours de l’histoire, qui se révèlent à travers le langage et ne sont pas sans incidences sur le rapport entre l’Église et le monde. Elle note toutefois une lente prise de conscience dans la réflexion ecclésiologique récente et évoque aussi brièvement la question d’un « éventuel accès des femmes au ministère sacerdotal » (à laquelle elle a consacré par ailleurs deux ouvrages), question qui, dans l’Église orthodoxe, de--meure ouverte.

Les derniers textes du recueil sont consacrés à l’engagement des chrétiens dans le monde, notamment dans le domaine des droits de la personne ; elle évoque une « nouvelle alliance » entre « chrétiens post-idéologiques et défenseurs post-idéologiques des droits de l’homme », lieu d’une possible rencontre « sur une philosophie … de la personne humaine en tant que mystère et valeur absolue ».

Lucide, mais avec compassion, elle réagit à des évènements contemporains, comme le document du patriarcat de Moscou sur la doctrine de l’Église russe (publié en 2000) ou la loi Veil sur l’avortement. Selon elle, l’engagement chrétien dans le monde fait partie de la confrontation et du dialogue avec la modernité. C’est dans la liturgie, centre de la vie ecclésiale, que les fidèles sont nourris pour leur mission dans le monde, la « liturgie après la liturgie ».

Ce recueil permet de mieux cerner la pensée d’Élisabeth Behr-Sigel, de même que l’émergence et le développement d’une pensée orthodoxe désormais établie en Occident, dont elle fut le témoin attentif.
Claire Chimelli

 


BIBLE

 

Marion Muller-Colard
Éclats d’Évangile
Paris/Genève, Bayard/Labor et
Fides 2017, 456 p.

 En communion avec les lecteurs du journal Réforme, semaine après semaine, pendant trois ans, Marion Muller-Colard (qui a reçu des prix pour ses trois autres livres) a écrit une chronique biblique « pour se laisser oxygéner par l’Évangile ». Se laisser construire, instruire, interroger dans le flux et le reflux humain à la suite de Jésus qui, phrase savoureuse, « sauve l’homme de la noyade en l’extirpant du marécage du on », ce Jésus qui nous sauve de la sédentarisation. « Il y a une saine folie à laquelle nous invite l’Évangile, sans cesse remise en perspective d’une saine vigilance. C’est à nous qu’il appartient de fixer la clarté du jour plein, pour que la mémoire des instants lumineux éclaire les nuits de l’absence. »

Pour chaque semaine, le texte de l’Évangile, « eau claire de la Parole de Dieu […] qui fait lever la pâte humaine », est suivi du commentaire de l’auteure et d’une prière-poème qui noue la gerbe, dans la profondeur et l’humour. Ces textes alimenteront la méditation quotidienne comme la prédication du dimanche, pour renouveler notre cœur.
Marie-Thérèse Bouchardy

 

Jean-Michel Poffet
Regards sur le Christ
Paris, Parole et Silence 2017, 220 p.

 L’un des buts de cet essai, nous dit le préfacier, le cardinal Schönborn, est d’éduquer le regard chrétien pour que la doctrine ne devienne pas idéologique, et la pratique idolâtrie narcissique. Nous sommes donc conviés à une sorte de pèlerinage aux Écritures, un pèlerinage qui nous aidera à mieux comprendre et, dans un échange de regards, à se savoir aimés. Un savoir qui change une vie et oriente nos pensées, une chance donnée à la Parole d’être entendue, reçue et de pouvoir féconder nos terres profondes.

En sept chapitres, le dominicain Jean-Michel Poffet suit le Christ, avec des retours à l’Ancien Testament qui montrent comment le Christ accomplit toutes les Écritures, les promesses de Dieu et les attentes d’Israël. Il termine avec Paul de Tarse et les évangélistes, et dédie ce livre à celles et ceux qui sont en quête de Dieu, à la recherche du Christ, aux pèlerins des Écritures, sur les chemins de Terre sainte, sur leur lieu de vie ou de travail, dans le cloître ou au désert.

Merci à l’auteur de nous offrir un tel cadeau. Je vous souhaite le même bonheur que celui que j’en ai retiré.
Marie-Luce Dayer

 

Xavier Lingg
Père Abraham, raconte-moi la Genèse
St-Maurice, Saint-Augustin 2017,
100 p.

 Quel lieu est plus adéquat que le désert pour lire les premiers chapitres de la Genèse ? La nature à l’état brut, sans transformation humaine, nous plonge dans les splendeurs de la création. Abraham s’est installé auprès des chênes de Mambré et nous accueille pour une semaine. À partir de l’expérience de vie de chaque jour, il nous fait toucher à la création de notre monde encore en gestation, sous le regard d’un Dieu-Amour. Métaphores, fables, poèmes nous donnent les clés de lecture et nous incarnent dans notre monde d’aujourd’hui.

Catéchistes, parents, vous êtes les premiers concernés par ce livre qui vous aidera à répondre aux questions que se posaient déjà nos ancêtres au sujet de la création, quand ils relisaient leur vie à la lumière de leurs propres interrogations. Un petit livre intelligent et plein de bon sens.
Marie-Thérèse Bouchardy

 

SOCIETE

 

Sous la direction de
Paul H. Dembinski et Jean-Claude Huot
Le bien commun
Par-delà les impasses
St-Maurice, St-Augustin 2017, 352 p.

 Réchauffement climatique, crise migratoire, accroissement des inégalités, terrorisme … Chacun le pressent, ces défis ne pourront pas être relevés si l’on utilise les méthodes préconisées depuis des décennies : ne pas intervenir, s’en remettre au marché et miser sur des acteurs qui maximisent leurs gains. Le système en place a ainsi atteint ses limites ; il ne peut plus guère « mobiliser des ressources et des politiques réparatrices ».

Les dés seraient donc jetés ? Non, affirment les auteurs de ce très intéressant ouvrage collectif, réalisé par les promoteurs de la Plateforme dignité et développement créée en Suisse romande en 2016. À leurs yeux, loin de justifier le sauve-qui-peut, la période actuelle offre au contraire une « opportunité séculaire pour les actions animées par le souci du bien commun » (Dembinski). Sur quoi fondent-ils leur espérance ? Sur la réapparition, précisément, du concept de bien commun dans les milieux de praticiens et d’intellectuels de divers horizons, un concept relégué dans l’ombre par le libéralisme économique et politique, associant individualisme, utilitarisme et pluralisme relativiste (Nebel).

Cette réhabilitation d’une notion-clé de la doctrine sociale de l’Église est un signe réjouissant en soi. Les contributeurs du livre ne se contentent pas de le faire savoir. Ils proposent toute une série de pistes pour aborder un sujet moins simple qu’il n’y paraît. Lawrence Dorairaj, par exemple, montre avec Gandhi que « le plus grand bien de tous ne peut être réalisé que par le sacrifice de soi ». Michael Schluter explique que pour promouvoir le bien commun, il faut mettre la relation au premier plan. Et, en théologien, Thierry Collaud rappelle que ce bien, ayant partie liée avec le Royaume, est déjà réalisé dans certaines formes de communion. On le voit, les auteurs font bien mieux que dépoussiérer un vieux concept et les lecteurs iront de découverte en découverte.
Yvan Mudry

 

TEMOIGNAGE

 

Yeonmi Park
Je voulais juste vivre
Paris, Kero 2016, 304 p.

 Inouï ce parcours d’une fille de 13 ans qui, avec sa mère, parvient à se sauver de la Corée du Nord via la Chine, pour arriver en Corée du Sud à travers mille obstacles parfois humiliants ! « Elle ne se doute pas que le chemin vers la liberté va l’entraîner en enfer », relève le dos de couverture du livre. Et c’est vrai, le lecteur demeure pantois après de tels récits, et cela d’autant plus qu’à 22 ans, Yeonmi Park est désormais une combattante : c’est l’une des plus influentes dissidentes nord-coréennes et une activiste reconnue des droits de l’homme.

Père, mère et fille s’organisent pour se rendre en Chine. Séparés, chacun doit chercher son chemin. Le père meurt en Chine du cancer. La survie dépend de jobs, de soutiens bien divers. Arrivée en Mongolie avec sa mère, un avion les conduit à Séoul. S’ensuivent, pour la jeune fille, des études, avec une volonté farouche d’aboutir, une participation à la TV, un séjour en Amérique, des conférences à Dublin... une multitude de situations qui confirment son énergie, sa détermination, son intelligence et son savoir-vivre.

Yeonmi Park a une bonne capacité à analyser les sentiments des autres. Elle vit dans un monde nouveau pour elle et elle sait l’évaluer. L’écriture est agréable et les faits sont bien décrits. Une telle vie mouvementée, où se mêlent tant d’aspects négatifs avec des sursauts positifs, révèle l’ingéniosité de certains à surmonter les obstacles ... parfois aussi grâce à la chance. Ce témoignage, parmi d’autres, laisse deviner la souffrance de milliers d’êtres humains à travers le monde.
Willy Vogelsanger

 

LITTERATURE

 

Max Lobe
Confidences
Genève, Zoé 2016, 288 p.

 D’origine camerounaise, Max Lobe vit depuis dix ans en Suisse. Il retourne fréquemment dans son pays natal, portant sur lui son regard d’entre deux cultures. Pour son dernier livre, il s’est lancé sur les traces de Ruben Um Nyobè, leader de l’indépendance du Cameroun - administré alors par la France -, assassiné en 1958. Il restitue cette page dramatique de l’histoire via les Confidences de Ma Maligua, une grand-mère de Song Mpek, le village de Um Nyobè, aux portes de la forêt du sud-ouest du pays.

Entrecoupé de rasades de vin de palme, de digressions en tous genres, le récit de la vieille femme s’approche petit à petit des « événements » : des souvenirs douloureux, généralement tus. Impossible de ne pas se laisser envoûter, comme on le ferait à l’écoute d’un griot. L’auteur réussit pleinement à faire se croiser oralité et écriture. Passé et présent, la grande histoire et les petites histoires se chevauchent : celle, sanglante, de la colonisation et de la lutte pour l’indépendance de celui qu’on appelait le « Porte-parole des sans-voix », et celles issues du quotidien de villageois, qui se retrouvèrent entraînés (mais aussi investis) dans un drame qui les concernait et les dépassait tout à la fois.

À l’image de la vie, amour et tendresse, violences et cruautés, indignations, colères, joies se succèdent. Plein d’émotions et d’ambivalences, avec souvent une pointe d’humour salvateur, le récit nous renvoie vers ceux qui, aujourd’hui encore, en Afrique et ailleurs, vivent les horreurs de la guerre.
Lucienne Bittar

 

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