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jeudi, 04 octobre 2018 12:17

Quel islam pour l’Europe?

Ben AchourYadh Ben Achour, François Dermange
Quel islam pour l’Europe ?
Genève, Labor et Fides 2017, 132 p.

Deux auteurs, un juriste et ancien doyen de la Faculté des sciences juridiques de Tunis, membre du Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, et un professeur d’éthique à l’Université de Genève, ancien doyen de la Faculté de théologie, prennent le risque de parler de l’islam en Europe. Dans le tourbillon des passions et des grandes peurs, ils proposent de réaliser quatre petits pas vers la sagesse.

L’un de ces pas est de faire face au parcours historique de l’islam, de ses relations dès le VIIIe siècle avec l’Europe (confrontations mais aussi échanges). La radicalisation, nous dit Ben Achour, n’est pas interne à la religion mais la conséquence d’autres facteurs: nationalisme, sous-développement, victimisation, sentiment d’injustice, jeux d’influences des grandes puissances.

Pourtant, plus l’immigré se sent chez lui en Europe, plus il est tenté par son autre chez soi ... celui de son origine. Un dialogue interconfessionnel doit s’instaurer. Travail sans doute de longue haleine mais indispensable. Il s’agit de développer et d’encourager l’islam libéral, tout en saluant les tentatives accomplies par les Églises chrétiennes depuis Vatican II et Nostra Aetate en 1965. L’islam en Europe doit s’adapter aux différentes évolutions religieuses, et il revient à l’Europe de reconnaître les pratiques d’un certain islam (celles-ci devant demeurer dans les limites de l’ordre public européen).

Si François Dermange relève le courage de son interlocuteur face à l’ouverture de l’islam à l’Europe, il pose aussi la question dans l’autre sens: quelle attitude l’Europe doit-elle avoir face aux musulmans (ramadan, viande halal, voile)? Il relève que chaque fois que l’avenir politique et économique se montre incertain, on s’alerte de la présence de «barbares» dont le vêtement est souvent ressenti comme un affront au monde civilisé. Il s’applique à étudier ces questions et il le fait admirablement bien, relisant l’histoire avec ses guerres de religion.

Comment, dit-il encore, s’entendre sur des normes de vie publique, dans un monde pluraliste où les visions morales, philosophiques et religieuses divisent? Le principe de «tel prince, telle religion» ne tient plus depuis longtemps. Une religion se choisit, ce qui implique qu’on peut soit la quitter soit en changer. Karl Barth nous mettait en garde: il ne faut pas confondre religion et philosophie. À travers ses propos, il nous dit que ce que Dieu veut nous dire et ce qu’Il nous dit, c’est en réalité qu’Il nous veut libres.

La lecture de ces pages exige une grande attention, mais l’intérêt est tel que l’effort en vaut la peine.

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